La société québécoise ne serait pas la même aujourd’hui sans les études de Danielle Julien, portant sur l’homosexualité et de l’homoparentalité. La chercheuse en psychologie a permis l’avancement des droits de la communauté LGBTQ+ au Québec.
Jeune, Danielle Julien rêvait d’une carrière de pianiste. Elle décide toutefois de poursuivre ses cours classiques, une formation générale offerte aux meilleur(e)s étudiant(e)s des classes à l’époque. À la suite de ses études au collège Sainte-Marie à Montréal, elle s’est expatriée deux ans au Burundi en Afrique, pour enseigner le solfège, les mathématiques et la gymnastique à l’école secondaire de Mugera.
Lors de son retour au Canada, à l’âge de 29 ans, elle se dit complètement perdue. Après quelques années comme enseignante, elle décide de s’inscrire au baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), même si cette formation est loin de lui plaire. « J’ai senti une urgence de me structurer vers quelque chose qui allait déboucher, […] c’était comme une question de vie ou de mort », affirme-t-elle avec conviction. C’est ainsi que sa carrière de chercheuse a commencé.
Un domaine de recherche inattendu
Au départ, Mme Julien s’intéresse aux couples hétérosexuels et elle cherche à comprendre si les dynamiques relationnelles de ces derniers sont les mêmes dans les couples homosexuels. Ses demandes de subventions pour étudier les couples de même sexe sont toutefois déclinées. Étant déterminée, elle a dû faire preuve d’ingéniosité pour parvenir à ses fins. « Je prenais l’argent que j’avais pour les hétéros, puis dans mes recherches, je me rajoutais des groupes de couples gais et lesbiens », partage Mme Julien.
En 1992, devant la flambée du sida, qui était considérée comme une maladie homosexuelle à l’époque, elle reçoit sa première subvention du gouvernement fédéral afin d’étudier les couples gais à risque. « C’était quand même ironique qu’on aille chercher l’expert qu’on a refusé de subventionner », lance Mme Julien.
Au fil de sa carrière, la chercheuse s’est aussi intéressée à l’homoparentalité. L’un de ses accomplissements les plus importants est sa participation à la commission pour la réforme du Code civil du Québec en 2002. Elle a été en mesure d’expliquer aux membres du jury que les personnes homosexuelles avaient d’aussi bonnes habiletés parentales que les personnes hétérosexuelles et que leurs enfants avaient un développement normal. La contribution de Mme Julien a permis aux personnes homosexuelles d’avoir accès à l’union de fait, à l’adoption et à la procréation assistée.
La directrice de la Coalition des familles LGBT+, Mona Greenbaum, a connu Danielle Julien en 1999 lorsque cette dernière a mené l’étude sur les mères lesbiennes au sein de l’organisme de Mme Greenbaum. Elle mentionne que Mme Julien a toujours fait preuve de professionnalisme. « Danielle, elle parlait seulement de la recherche scientifique. […] Elle était toujours dans l’objectivité », explique-t-elle.
Une femme déterminée
Au cours de son passage à l’UQAM, la chercheuse participe à la création de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et de genres. « Je suis contente d’y avoir contribué, d’avoir mis ma brique pour la création de la chaire », exprime Mme Julien.
Danielle Julien n’a jamais cessé de croire en ses projets avec la Chaire, et ce, malgré les nombreuses embûches qu’elle a rencontrées. « Elle a fait de nombreuses représentations [pour faire valoir la création de la Chaire] auprès des dirigeants de [l’UQAM, du ministère de la Justice et de partenaires communautaires], entre autres pendant la période où elle était vice-doyenne à la Faculté des sciences humaines », remarque Line Chamberland, professeure associée à l’UQAM au département de sexologie et collègue de Mme Julien durant 20 ans.
Danielle Julien a aussi toujours valorisé la recherche auprès de la communauté étudiante. « Ses étudiants sont devenus un peu comme ses enfants », mentionne Mona Greenbaum. « Les étudiants m’appelaient la “mom” de la recherche », ajoute Mme Julien.
Afin de souligner l’ensemble de sa carrière, la Chaire remet chaque année en son nom une bourse de 8000$ à un(e) doctorant(e) qui a mis de l’avant les minorités sexuelles et les familles homoparentales dans sa thèse.
En 2020, elle reçoit la distinction de professeur émérite à l’UQAM. Un titre qu’elle a accepté « pour que les jeunes voient que les femmes peuvent se rendre là aussi ».
À la retraite depuis 2017, Danielle Julien garde un pied à l’UQAM comme membre du jury dans le comité facultaire des Chaires de recherche du Canada. Elle a aussi renoué avec son amour de jeunesse, le piano. Mme Julien se consacre désormais « corps et âme » à l’apprentissage de cet instrument. « Avant de mourir, j’ai comme un objectif de fusion avec l’instrument, de faire corps avec le piano », affirme-t-elle.
Mention photo Magali Brosseau | Montréal Campus
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