Les réseaux sociaux sont inondés d’images retouchées, recadrées, modifiées. En réaction à cette pression constante, plusieurs jeunes adultes empruntent le raccourci des interventions esthétiques, au risque d’avoir la piqûre pour la hausse de confiance en soi qu’elles procurent.
« Souvent, on peut voir des silhouettes quasi inhumaines et des traits physiologiques exagérés », partage Andréanne Leclerc, qui a eu recours à la chirurgie esthétique à l’âge de 17 ans.
Selon elle, il est acceptable de modifier ses caractéristiques physiques ; c’est plutôt le fait de normaliser un idéal inatteignable qui pose problème. « Avant la procédure, j’avais un énorme manque de confiance et j’avais l’impression que modifier cette partie de mon corps était nécessaire à mon bien-être », se souvient-elle.
Andréanne n’est pas la seule à avoir eu recours à la chirurgie en bas âge. Selon le dernier rapport de la International Society of Aesthetic Plastic Surgery (ISAPS), datant de 2020, les adultes de moins de 35 ans comptent pour 67,9 % des patients ayant recours à la rhinoplastie, la chirurgie du nez. Le rapport souligne aussi que plus de 85 % des patients en médecine esthétique sont des femmes.
La psychologue, conférencière et professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier explique que les jeunes sont particulièrement vulnérables aux représentations faussées du corps sur les réseaux sociaux. « L’influence des pairs est super importante à cet âge-là. […] On se compare beaucoup aux autres et, tranquillement, certaines insatisfactions apparaissent », indique-t-elle.
À son avis, l’accessibilité et l’acceptation sociale grandissante des interventions esthétiques en poussent plusieurs à s’y intéresser, au risque de développer une dépendance à leurs effets salvateurs pour l’estime personnelle.
Une accessibilité grandissante
Le 17 janvier dernier, Canal Vie présentait Injections et bistouri, une nouvelle série documentaire consacrée au milieu de la médecine esthétique. Dans le premier épisode, la Dre Chloé Sylvestre affirme que les jeunes dans la vingtaine représentent plus de 30 % de sa clientèle. On peut lire sur le site internet de la Clinique Chloé que les traitements corporels offerts constituent le « chemin vers le bonheur » de ses clientes et de ses clients.
D’autres cliniques médico-esthétiques établissent des partenariats de promotion en ligne avec des influenceuses et des influenceurs. Marie-Alex Lelièvre ー sur Instagram sous le pseudonyme Mxrhxlex ー fait partie de ce groupe de commanditaires. Avec plus de 37 000 abonné(e)s, elle fait la promotion d’injections d’acide hyaluronique dans les lèvres, reçues à la Clinique Isogone basée à Saint-Jean-sur-Richelieu. En échange de la visibilité qu’elle lui offre, la clinique couvre tous ses frais de traitement.
À l’adolescence, Marie-Alex a commencé à s’entraîner intensivement et a perdu beaucoup de masse graisseuse. « J’ai toujours eu une bonne poitrine quand j’étais au secondaire, donc je me reconnaissais plus [à la suite de ma perte de poids]. J’avais de la misère à faire le deuil de ma poitrine », se souvient-elle. Le lendemain de son 18e anniversaire, la jeune femme a bénficié d’une augmentation mammaire.
Un risque pour les mineur(e)s
Les contenus proposés sur les médias sociaux rejoignent des utilisateurs et des utilisatrices de plus en plus jeunes. 70 % des utilisateurs et utilisatrices d’Instagram ont moins de 34 ans, et 7,5 % sont mineur(e)s.
Les récits de chirurgie esthétique, les avis sur certaines interventions, les partenariats entre cliniques et influenceurs et influenceuses ainsi que les photos abondent sur les plateformes comme Snapchat, TikTok, Youtube ou Instagram. Cependant, ces contenus ne sont pas restreints pour les personnes de moins de 18 ans.
Pourtant, selon l’article 93 du Code de déontologie des médecins, un professionnel ne peut pas « faire ou permettre que soit faite de la publicité destinée à des personnes vulnérables notamment du fait de leur âge, de leur condition ou de la survenance d’un événement spécifique. »
Bien que les influenceurs et influenceuses ne visent pas spécifiquement à convaincre des mineur(e)s d’avoir recours à la chirurgie, ceux-ci et celles-ci sont souvent nombreux et nombreuses à compter parmi leurs abonné(e)s.
La psychologue Dre Beaulieu-Pelletier insiste sur l’influence insidieuse de ce genre de contenu promu sur les réseaux sociaux sur un jeune public. « La comparaison sociale est tellement plus accessible qu’avant par le biais des réseaux sociaux. Cela facilite et rend plus accepté le recours à certaines transformations pour s’apprécier plus, pour avoir plus confiance en soi, pour ressembler à ses pairs », conclut-elle.
Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus
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