Afrodisiaque : histoire de discrimination capillaire

Au centre d’une scène qui lui appartient pleinement, Maryline Chery, interprète et autrice de la pièce Afrodisiaque, incarne un rhizome, cette organisation vivante de racines qui existe au bout d’un cheveu. C’est dans la salle étroite du Centre Ségal des Arts de la Scène qu’a eu lieu, le 24 novembre, la première représentation de la pièce qui donne littéralement la parole aux cheveux afro.

Le rhizome qui s’active sur scène en prenant toutes sortes de formes est celui de Maddy, une adolescente de 13 ans qui étudie dans une école secondaire à Laval. Victime de micro-agressions persistantes, de remises en question et d’un désir de plaire, la jeune fille entretient une relation conflictuelle avec ses cheveux. Comme les standards de beauté caucasiens le lui ont appris, elle souhaiterait les avoir plats, tout comme les filles de sa classe qu’elle admire tant.

Entre une scène de boxe avec un élastique et un cours « d’afro-défense » contre les agressions racistes, le rhizome accompagne Maddy et l’aide à combattre le malaise qui l’habite.

Devant un public impliqué et participatif, l’artiste d’origine haïtienne Maryline Chery navigue habilement d’un personnage comique à un autre. Elle se met dans la peau d’un directeur d’école, d’un professeur d’histoire, d’un prêtre et d’une coiffeuse, en revenant toujours aux cheveux de la jeune Maddy.

Malgré son approche humoristique, le propos de la pièce demeure toutefois troublant. Une scène particulièrement poignante présente la jeune fille dans une tentative désespérée de noyer, la tête dans l’eau, sa chevelure et son identité. Lors d’un entretien effectué avant la première d’Afrodisiaque, la comédienne a présenté son œuvre de la sorte : « C’est une célébration et une guérison. Oui, on parle de trauma, mais l’un ne va pas sans l’autre. On ne peut pas guérir sans être blessé. »

Un travail de longue haleine

Marilyne Chery entretient une relation de longue date avec son œuvre. En 2016, durant ses études théâtrales à l’Université Concordia, les premières bribes d’Afrodisiaque ont vu le jour.

Avec l’aide de sa metteuse en scène, Lydie Dubuisson, et de son équipe majoritairement féminine, l’artiste multidisciplinaire a composé un spectacle brillant et éclectique.

Les deux femmes sont poussées par le désir de faire des luttes sociales partie intégrante de leur art. Elles sont habitées par un trauma intergénérationnel qu’elles choisissent de mettre en images, en mouvements et en mots. Le collectif Potomitan, qui a produit la pièce, œuvre avec le même objectif.

L’appel à une représentation diversifiée et hétérogène

Le début d’Afrodisiaque est ponctué d’une mise en contexte un peu simpliste, en partie en raison du vocabulaire utilisé afin d’introduire le personnage principal. Mais seules cinq minutes suffisent pour que le public embarque pleinement dans l’histoire de Maddy et de son cheveu.

Tout au long de la pièce, Marilyne Chery nous rappelle tristement le manque de représentation de la diversité dans les médias et dans la culture québécoise. Les personnages noirs qu’on nous présente à l’écran ont souvent la peau claire et les yeux pâles. La comédienne rêve de personnages de fiction aux cheveux naturels, à la peau foncée et au « nez plat », qui aideraient les enfants afrodescendants à s’aimer de la tête aux pieds.

Afrodisiaque, c’est une ode aux cheveux crépus, le cri douloureux d’une adolescente et de son rhizome, un one-woman-show bouleversant, drôle et nécessaire.

Mention photo Jeremy Cabrera

Commentaires

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