Souvent perçu comme difficile d’accès, l’opéra n’a pas la réputation d’être l’art le plus populaire auprès des jeunes adultes. Pour remédier à la situation, plusieurs acteurs et actrices du milieu se mobilisent afin de moderniser la discipline et la rendre plus attrayante aux yeux du jeune public.
La directrice des communications et du marketing de l’Opéra de Montréal, Catherine Gentilcore, remarque que le milieu est animé par le désir d’attirer une clientèle plus jeune. « Tout le monde essaie de tirer son épingle du jeu », confirme-t-elle. Tarifs avantageux, 5 à 7 thématiques, visites dans les écoles : voilà les initiatives que l’Opéra de Montréal a mises de l’avant dans les dernières années.
Des difficultés d’accès
Ce n’est pas seulement la nature du spectacle qui peut rebuter certain(e)s jeunes. L’étudiante au baccalauréat en musique dans la concentration en enseignement à l’UQAM Jeanne Ricard croit que le décorum traditionnellement associé à l’opéra peut dissuader plusieurs jeunes adultes.
Elle-même spectatrice assidue d’opéras, elle connaît peu d’autres jeunes qui assistent régulièrement à ces spectacles. « Pourtant, ce n’est pas aussi intimidant que les jeunes peuvent le penser. Beaucoup de gens pensent que c’est une sortie bourgeoise alors que ce n’est pas le cas. Il y en a qui se demandent comment s’habiller, qui ont peur de faire un faux pas », se désole-t-elle.
Accroître la diversité
Pour Catherine Gentilcore, un combat important à mener pour rendre l’opéra plus accessible est de miser sur les spectacles en soi. « On aura beau mettre en place des stratégies marketing, l’important, c’est que les jeunes se reconnaissent dans ce qu’on voit sur scène », croit-elle.
En effet, les œuvres dites « de répertoire » mettent rarement en scène des personnages issu(e)s de la diversité culturelle ou sexuelle. C’est pourquoi de plus en plus d’œuvres contemporaines, dont le Drag opera, sont présentées dans les salles.
« En 2019, j’ai eu un coup de cœur pour l’opéra Champion présenté à Montréal qui racontait la vie d’un boxeur afro-américain homosexuel. C’est plus facile de s’identifier à ça qu’à La Traviata, disons », raconte Jeanne Ricard.
La chargée de cours au département de musique de l’UQAM et mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau observe elle aussi davantage de propositions qu’elle estime audacieuses. « La mixité et les interprétations intergénérationnelles, on en voit depuis toujours en opéra. Des rôles de petits garçons chantés par des femmes, le rôle de Mme Butterfly, qui est japonaise, incarné par une chanteuse afro-américaine, c’est possible », affirme-t-elle.
Recruter des talents issus de la diversité pourrait également contribuer à populariser la discipline auprès des jeunes. « On cible les talents à Secondaire en spectacle et dans les écoles secondaires », explique Catherine Gentilcore.
Une popularité fluctuante
À l’UQAM comme ailleurs, l’opéra ne rencontre pas un succès immense auprès de la communauté étudiante. Cela s’explique notamment par le fait qu’il y a beaucoup plus d’étudiant(e)s et d’activités en musique populaire qu’en musique classique. Dans son cours de chant classique, Marie-Annick Béliveau n’enseigne qu’à quatre étudiantes cette session.
Néanmoins, elle se déclare optimiste pour l’avenir de la discipline à l’UQAM. « Je donne un cours sur le théâtre lyrique à l’École supérieure de théâtre et je remarque un grand intérêt. Une nouvelle esthétique se développe, les metteurs et metteuses en scène de théâtre s’intéressent de plus en plus à l’opéra », souligne-t-elle.
Mais l’opéra a déjà connu des heures plus glorieuses à l’UQAM. « Des figures de proue de l’art lyrique sont déjà venues donner des cours à l’UQAM. Il y avait alors un réel engouement pour la discipline », se souvient Mme Béliveau. Dans les années 1990 et 2000, une série de dix capsules intitulées Les ateliers de l’opéra à l’UQAM ont d’ailleurs été réalisées.
Un regard vers l’avenir
Aujourd’hui, il n’existe plus de cours d’opéra à l’Université, mais Marie-Annick Béliveau est confiante pour l’avenir. « Notre faculté des arts est très active. J’entrevois le retour de l’opéra sous la forme d’un projet interdisciplinaire qui inclurait des étudiant(e)s en musique, en danse », évoque-t-elle.
D’après elle, c’est dans cette direction que se dirige l’art lyrique en général. « Les jeunes vont changer la face de l’opéra. Le nouveau public n’est pas nécessairement celui qui connaît le répertoire traditionnel et qui veut juste écouter des chanteurs et des chanteuses. Il veut voir un spectacle plus complet, il est plus aventureux », estime-t-elle. Semble-t-il que, tout comme la société dont il fait partie, l’opéra est voué à changer.
Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus
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