Le microdosage, entre panacée et placebo

Réduction de l’anxiété, augmentation de la créativité, amélioration de la concentration : les effets attribués au microdosage de psychédéliques par ses adeptes sont prometteurs. Cette pratique, de plus en plus populaire, attire l’intérêt de quelques chercheurs et chercheuses, qui tentent maintenant de mettre ce phénomène à l’épreuve de la science.

La pratique du microdosage, qui consiste à consommer des doses infimes de psychédéliques comme des champignons magiques ou du LSD sur une base régulière, est en hausse. Sur Reddit, le forum dédié au microdosage r/microdosing accueille une communauté de plus de 173 000 adeptes, alors que de nombreux articles, du magazine Forbes au Financial Times, décrivent comment cette pratique a conquis les entrepreneur(e)s de la Silicon Valley.

Une expérience vécue

Dominik, jeune professionnel de 29 ans, fait partie des partisan(e)s de cette pratique. Celui-ci consomme des microdoses de champignons magiques régulièrement depuis un peu plus d’un an. Il explique avoir auparavant vécu avec un mal-être persistant. « J’étais toujours un peu dépressif, mon cerveau m’entraînait toujours dans les mêmes cycles de pensées anxiogènes », décrit-il.

Pour tenter de traiter ce problème, Dominik a entrepris, en août 2020, une thérapie psychédélique assistée durant laquelle il a consommé 300 microgrammes de LSD ─ une quantité significative ─ tout en recevant un suivi avec sa thérapeute. Après cette expérience intense, Dominik a voulu garder un certain contact avec ce qu’il a ressenti sous l’effet du LSD. « Je voulais conserver ce sentiment de connexion avec quelque chose de plus grand que moi », dit-il. Ayant déjà entendu parler du microdosage, le jeune homme s’est informé davantage à ce sujet et a choisi d’essayer un protocole suggéré par le Dr James Fadiman.

Pionnier de la recherche sur les psychédéliques des années 60, le Dr Fadiman est aujourd’hui considéré comme une sommité mondiale sur le microdosage par les adeptes. Son protocole propose de prendre entre un vingtième et un dixième de la dose récréative d’une substance psychédélique à chaque trois jours.

Dominik a commencé à pratiquer le microdosage en suivant ce protocole, mais il préfère aujourd’hui consommer plus instinctivement. « Je microdose une à trois fois par semaine, et j’y vais à l’œil pour la quantité », explique-t-il. Ce dernier s’approvisionne auprès de son « dealer », en qui il affirme avoir une grande confiance.

Un mystère pour les chercheurs

Un survol de la littérature scientifique sur le microdosage suffit pour comprendre que la recherche à ce sujet est encore au stade embryonnaire. Thomas Anderson, chercheur à l’Université de Toronto et co-directeur du Canadian Centre for Psychedelic Science, déplore le fait qu’il existe peu de recherches fiables sur les psychédéliques. D’après une de leurs études menée auprès de 6753 personnes ayant microdosé dans l’année précédente, les bienfaits de cette pratique dépasseraient par beaucoup les inconvénients. Les personnes participantes ont dit bénéficier entre autres d’une meilleure humeur, en plus d’une augmentation de leur créativité, de leur concentration et de leur sociabilité.

Thomas Anderson et son partenaire Rotem Petranker veulent être les premiers à mener une étude clinique contrôlée du microdosage sur des participants humains. Un projet qui comporte son lot de défis en raison de la nature illicite des drogues qu’ils souhaitent tester. « Il faut trouver quelqu’un qui peut fournir la substance et un “dealer” qui a les permis nécessaires pour l’importer. Ensuite, dépendamment de la valeur et de la quantité de la substance, il faut l’entreposer derrière un certain nombre de cadenas », décortique-t-il.

Le chercheur explique qu’il doit également soumettre une demande à Santé Canada détaillant pourquoi une telle recherche, malgré ses risques, serait justifiée. Une étape d’autant plus compliquée puisqu’il existe peu de recherches fiables sur lesquelles se baser. « C’est un genre de cercle vicieux », ajoute le chercheur.

Dans l’attente de preuves

Si les études fiables sur le microdosage sont si rares et si peu avancées, alors que penser d’un protocole comme celui du Dr Fadiman? « Il l’a inventé! », déclare Thomas Anderson, en riant. « James est un gars super, mais la méthodologie scientifique a beaucoup changé depuis les années 60 et les standards d’éthique aussi », explique-t-il.

Le chercheur ne nie pas que l’approche du Dr Fadiman puisse fonctionner pour certains ; il dit plutôt que jusqu’à présent, les effets du microdosage que rapportent ses amateurs ne sont que des preuves anecdotiques. Avant qu’ait lieu une étude dans un environnement contrôlé, il est impossible de discerner avec certitude le réel du placebo.

Après un an de microdosage et de suivi thérapeutique, Dominik ressent quant à lui de nombreux effets bénéfiques. « Ça m’amène à faire preuve de plus de bienveillance et de souplesse envers moi-même et les autres [] Je me sens tellement mieux », confie-t-il. Il avertit toutefois qu’il ne s’agit pas d’un remède magique : « Il faut être prêt à faire un travail sur soi », précise-t-il.

Même si les preuves scientifiques de ces dires sont encore lointaines, Thomas Anderson est confiant : « J’étudie le microdosage parce que je crois qu’il y a quelque chose à découvrir à ce sujet. [] Si on arrivait à conduire une étude contrôlée, ce serait un tournant majeur », conclut-il.

Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

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