En arpentant le métro de Montréal ces temps-ci, les citadins et les citadines peuvent remarquer une présence manquante ; les musiciens et les musiciennes. Depuis mars 2020, la Société de transport de Montréal (STM) ne leur permet plus de partager leur art avec les usagers, ce qui les oblige à sortir dans la rue pour jouer.
Violoniste de profession depuis près de 30 ans, Claude Gélineau, n’a pas été épargné par la pandémie. Devant l’impossibilité de se produire à l’intérieur, autant dans le métro que dans les salles de spectacle, le tenant d’une maîtrise en musique à l’Université de Montréal et diplômé du Conservatoire de Montréal a dû se réinventer.
Claude Gélineau a choisi de se produire à l’extérieur; que ce soit dans les rues du Vieux-Montréal, en face de résidences pour aînés avec la Société des arts dans le milieu de la santé (SAMS), ou même à l’occasion des spectacles pour enfants qu’il a créés, en collaboration avec une clarinettiste.
Pour se produire en extérieur, les musiciens et les musiciennes doivent se procurer un permis annuel auprès de la Ville de Montréal. S’ils doivent payer pour douze mois, rares sont ceux qui poursuivent leurs activités en hiver, quand la température baisse. De plus, les artistes ne peuvent s’offrir en spectacle que dans l’arrondissement précis où le permis a été payé, ce qui leur laisse moins de liberté.
Après l’obtention de son permis dans Ville-Marie, Claude Gélineau affirme ne pas avoir eu à se plaindre de l’été, bien qu’il ait tout de même dû se montrer créatif pour vivre de sa passion.
Accrocher son public
Le musicien favorise la fameuse Marche Impériale de Star Wars et le thème de La liste de Schindler à des compositions de son cru. « Si tu commences [à jouer dans la rue] et que tu essaies de jouer tes propres compositions, tu vas frapper un mur », dénonce-t-il.
Lui qui performe sur la Place d’Armes, lieu inévitable pour les touristes à Montréal, il sait que, pour remplir la boîte à ses pieds, il faut accrocher ces gens qui passent en coup de vent avec des œuvres musicales connues du grand public. « Le truc c’est de jouer du Disney pour intéresser les enfants qui supplieront leurs parents de lâcher une pièce, et ça marche! », lance-t-il en riant.
Au début de la pandémie, l’étudiant au baccalauréat en littératures de langue française et philosophie à l’Université de Montréal, Jacob Courchesne, a décidé de jouer de la musique dans la rue pour le plaisir. Pour lui, l’expérience de la rue est épanouissante puisque l’industrie musicale officielle « est soumise à des règles commerciales et à un système priorisant certains contenus plus lucratifs ». Ainsi, il trouve que les musiciens et les musiciennes de rue ont « une liberté supplémentaire quant à leurs choix artistiques. »
La musique à ses fondements
Contrairement à Claude Gélineau, l’étudiant ne dépend pas de son art. Cette nuance lui donne une plus grande flexibilité quant au choix de ses chansons. Toutefois, les deux musiciens se rejoignent quant à leur vision de la musique de rue. Pour eux, elle « incarne une version plus brute de ce que la musique peut, et devrait être, en offrant une performance plus personnelle et spontanée », comme l’exprime l’étudiant de 19 ans.
Pour Claude Gélineau, la musique de rue est la musique dans son rôle principal, celui de créer des liens. « Avec ce contact physique si important, on peut faire descendre le niveau d’anxiété des gens », assure-t-il.
Il ne faut pas oublier que ces artistes font ceci avant tout par passion, et pour partager cette même passion à leur public. « C’est agréable de sentir qu’on a surpris des gens en apportant l’art où ils ne s’attendaient pas forcément à le trouver », lance Jacob Courchesne.
Le retour de la saison froide
Alors que les écoles auxquelles il tente de vendre son spectacle ne lui rendent pas ses appels, Claude Gélineau redoute la saison froide. « Tout le monde est en adaptation, je comprends, mais nous on va faire quoi quand il commencera à faire froid dehors? », s’inquiète-t-il.
La STM n’est pas en mesure de donner une date de retour aux musiciens et musiciennes du métro. Le conseiller corporatif en relations publiques à la STM, Philippe Déry, reconnaît malgré tout « l’apport positif [des artistes] à l’expérience de déplacement [des] clients [du métro]. » Celui-ci affirme aussi que la STM est « sensible aux impacts économiques de cette situation pour les artistes » et qu’ils ont « amorcé une réflexion sur les conditions favorables et essentielles à un retour sécuritaire des musiciens dans [le réseau] ».
Cependant, les autorités du réseau sont claires : le plan de retour sera présenté aux musiciens et aux musiciennes au moment opportun. En attendant, le public aura droit encore pour un moment à un Bal dans la rue, comme la chanson d’Édith Piaf, artiste du métro de Paris.
Mention photo Valérie Caya | Montréal Campus
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