Cours d’art à l’UQAM : les règles du jeu

Alors que le monde universitaire est en pause depuis plus d’un an, certains cours pratiques et artistiques, comme le chant ou le cours de mime, n’ont eu d’autre choix que de s’adapter pour continuer à maintenir leurs activités. 

Deux photographes du Montréal Campus sont allé(e)s à la rencontre d’étudiant(e)s et de professeur(e)s des arts de la scène (Théâtre, chant, musique, mime) qui continuent les créations en présentiel.

Cours de chant

À l’UQAM, dans le cours de chant de Paul Keenan, professeur de musique, les règles sont strictes : respecter le deux mètres de distance, port du masque obligatoire en tout temps, et désinfection des aires communes.

Paul Keenan, professeur du cours EST230W, dirige ses élèves au rythme de «les feuilles mortes», tout en respectant le deux mètres. photo : Manon Touffet

Pour bien commencer le cours, un échauffement est mis en place. Les chanteurs et chanteuses répètent des gammes et des arpèges au rythme du piano, avant de s’installer chacun(e) à une table.

Élèves et professeur travaillent main dans la main afin de maintenir un apprentissage optimal photo : Manon Touffet

Tour à tour, les élèves, séparé(e)s en trois groupes selon leur timbre de voix (Soprano, Alto, et les garçons), se sont exercé(e)s avant d’unir leur voix et de répéter tous et toutes ensemble.

Chacun(e) à leur table, les étudiant(e)s déchiffrent une nouvelle chanson. photo : Manon Touffet

Cours de comédie musicale

Pour la metteuse en scène de la comédie musicale Spamelot, Alix Dufresne, et les étudiant(e)s en jeu, les règles sont différentes, ils et elles ont le droit de pratiquer à moins de deux mètres, mais le masque reste obligatoire. Diriger des comédiens et comédiennes qui le portent est un gros défi.

La non-obligation du deux mètres de distance permet le bon déroulé des répétitions, qui mêlent chant, danse, et théâtre. photo : Manon Touffet

« On comprend les mesures [sanitaires], mais nous, ça cache notre instrument, tout passe par le visage et la voix », explique Virginie Daigle, finissante en jeu.

D’autres difficultés s’ajoutent à la mise en place de Spamelot : de la recherche des costumes, jusqu’à l’incertitude d’une représentation. Sophie St-Pierre et Delphine Belanger-Prudelle, co-conceptrices des costumes pour Spamelot, expliquent que leur travail a pris beaucoup de retard suite à la pandémie. « chaque chose touchée, il faut la désinfecter avant et après [utilisation], il faut y penser, ça prend du temps et ça représente une grosse charge mentale. », expliquent-elles.

Par manque de moyens, les comédiens et comédiennes essaient de créer une scène de combat sans utiliser leurs vrais accessoires. photo : Manon Touffet

David Ébacher, assistant pour Spamelot, conclut que « tout est dans tout ». Selon lui, un simple changement affecte toute la conception de la comédie musicale, et c’est ça le plus dur, de devoir s’adapter tous les jours.

À l’occasion de la reprise de la pièce Spamelot, une traduction complète a été faite par la metteuse en scène, Alix Dufresne, et avec l’aide des étudiant(e)s photo : Manon Touffet

Cours de Mime 

Les étudiant(e)s du cours de mime doivent respecter, au mieux, les deux mètres de distance lors de leurs activités. La tâche n’est pas aisée, car leurs mouvements peuvent être imprévisibles, notamment lors d’activités d’expression « libre ».

« On doit séparer la classe en deux, et je prends en charge la moitié des étudiant.e.s. Ça change mon travail considérablement » – Marianne Lamarche photo : Arthur Calonne

Depuis maintenant 4 ans, Marianne Lamarche est auxiliaire d’enseignement dans le programme d’art dramatique dans lequel elle a également étudié. Un programme chargé et qui nécessite beaucoup d’investissement, ce qui explique en partie, selon elle, le fait que personne n’a abandonné le cursus durant la pandémie.

« Personne n’a lâché parce que c’est tellement contingenté […] c’est trois ans intenses où tu suis ta classe, tu ne peux pas quitter et reprendre », explique-t-elle. Cependant, les sombres perspectives d’avenir au sein d’un milieu qui a été parmi les premiers à être sacrifié durant cette pandémie, a eu un effet sur le moral et la motivation des étudiant.es.

« Les finissant(e)s sont démotivé(e)s. Tout le corps professoral le constate. C’est déjà un milieu difficile, mais là ils rentrent dans un monde professionnel où tout est fermé. » – Marianne Lamarche photo : Arthur Calonne

« C’était surtout pour la cohorte finissante que c’était le plus déchirant. Quand on finit en théâtre, il y a de grosses productions, c’est l’année où on travaille avec des metteurs en scène professionnels, c’est là qu’on présente de vrais spectacles. Ce sont eux qui ont perdu le plus gros morceau de leur formation », déplore Marianne Lamarche, navrée d’admettre que l’expérience actuelle des étudiant(e)s n’est pas exactement celle promise par le programme en temps normal. 

Toute la matière n’est pas donnée, ce qui peut être problématique dans le cas de l’apprentissage de techniques qui, non maîtrisées, peuvent être dangereuses : « Si tu apprends mal la technique de base, ça ne fonctionnera pas. » Dit-elle en évoquant les risques de blessures causées par une mauvaise technique. 

L’auxiliaire d’enseignement aspire à se faire une place dans ce milieu frappé de plein fouet par la pandémie. Comme beaucoup d’étudiant(e)s, elle garde espoir que cette situation d’apprentissage mais aussi l’absence d’offre culturelle, changent rapidement.

Le masque change complètement le rapport qu’ont les étudiant(e)s entre eux, puisqu’il cache une grande partie de leur vecteur d’expression principal, le visage. photo : Arthur Calonne

Cours de musique 

Les étudiant(e)s des programmes de musique ont également pu revenir étudier en partie à l’UQAM à partir de septembre. Si beaucoup de cours ont dû être donnés par webdiffusion, la pratique individuelle dans des locaux a été autorisée pour les musiciens et musiciennes, une nécessité pour celles et ceux dont les instruments sont trop gros, bruyants ou dispendieux.

« La seule chose difficile à concevoir, c’était la désinfection des pianos. Les touches sont en ivoire. Maintenant, on a un peroxyde spécial pour les pianos. » – Béatrice Beaudin Caillé photo : Arthur Calonne

« C’est génial qu’on ait accès aux locaux depuis septembre. De pratiquer à la maison, avec notre environnement, ce n’est pas toujours facile. Il faut remercier nos coordonnateurs. Ça a été des négociations très longues avec la Direction », nous a confié Béatrice Beaudin-Caillé, pianiste qui étudie en classique dans le profil pratique artistique, basé sur l’interprétation.  

L’atelier de performance encadré par Frédéric Lambert est donné dans une salle avec un plafond très haut pouvant accueillir des dizaines de personnes et dans laquelle les étudiant(e)s jouent des pièces musicales en binôme. Les mesures sanitaires sont scrupuleusement respectées et les risques de contamination  semblent dérisoires.

« On est masqué(e)s (sauf la chanteuse) et toujours à distance […] » – Béatrice Beaudin-Caillé photo : Arthur Calonne
L’expérience universitaire n’est toutefois plus la même pour les musiciens et musiciennes, surtout humainement parlant, selon Béatrice : « Ce qui me manque c’est l’expérience de l’université, les contacts et les rencontres. En musique, en art, tout le monde crée son réseau à l’université. » et le tissage de liens entre futur(e)s collègues, n’est pas non plus évident via internet.

Les rencontres propices à la formation de groupe sont beaucoup plus difficiles photo : Arthur Calonne

Les plateformes virtuelles changent le rapport qu’ont les musiciens et musiciennes à la performance. « C’est bizarre parce qu’on a le stress de la présence de l’auditeur, mais on n’a pas son énergie et son attention », explique Béatrice. Son amie, une violoniste expérimentée, lui a confié qu’elle n’avait jamais été aussi stressée que lors d’une captation, alors qu’elle joue dans des orchestres depuis des années.

Privée de concert depuis plusieurs mois, Béatrice croit cependant que l’on assistera à un renouveau de la culture après la pandémie et plus généralement un regain massif d’intérêt pour les arts.

Bien que la pandémie ait empêché la plupart des cours en présentiel, certains ont réussi à s’adapter avec brio, en respectant les mesures sanitaires imposées. Aujourd’hui, des dizaines de cours pratiques, en art et dans d’autres matières, continuent quotidiennement de prendre place à l’UQAM.

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