À l’automne 2021, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) deviendra le premier établissement scolaire au Canada à offrir un baccalauréat en langues autochtones. Les universités québécoises pourraient-elles lui emboîter le pas? Bien que cela représenterait une opportunité exceptionnelle pour les membres des communautés autochtones de la Belle Province, un travail de collaboration demeure essentiel pour y parvenir, selon les spécialistes interrogé(e)s par le Montréal Campus.
Un baccalauréat offert complètement en Nsyilxcn, une langue menacée parlée par une communauté autochtone de la nation d’Okanagan, verra le jour à UBC dès l’automne 2021. Les cours seront offerts sur le campus Okanagan, dans la région de Kelowna, afin de desservir directement les membres de la communauté.
Le cursus débutera avec un cours d’orientation pour familiariser les nouveaux étudiants et les nouvelles étudiantes à la vie universitaire. Dans leur cheminement scolaire, ils et elles suivront notamment plusieurs cours sur les langues en voie de disparition, en plus de faire un stage immersif dans la communauté à la fin de leur parcours. L’objectif est de « soutenir et revitaliser les langues traditionnelles, de restaurer les compétences de la langue et de protéger les connaissances des communautés », précise-t-on sur le site web de UBC.
Au Québec, des cours en langues autochtones sont déjà offerts dans certains établissements postsecondaires. L’Unité de recherche, de formation et de développement en éducation en milieu autochtone (URFDEMA) de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) offre des activités de formation pour le personnel enseignant au Nunavik, dont certains cours en langues inuites. ’Université McGill propose aussi un certificat en langues autochtones et enseignement de l’alphabétisation. En dehors des universités, plusieurs cours de langues autochtones sont déjà offerts, notamment à l’Institution Kiuna, qui offre une éducation postsecondaire aux membres des Premières Nations.
Un partenariat nécessaire
Si la mise sur pied d’un projet semblable en territoire québécois semble être une idée alléchante pour le professeur et directeur du Module de l’École d’études autochtones de l’UQAT, Francis Lévesque, il croit toutefois que la province n’est pas prête à aller en ce sens. « Au niveau des études autochtones, la Colombie-Britannique, l’Ontario et les Prairies sont en avance de décennies sur nous », constate-t-il.
Lévesque évalue qu’une « collaboration est fondamentale » pour y parvenir puisque « chaque communauté a ses spécificités ». Ce programme de l’université britanno-colombienne, qui est unique au Canada, a pu voir le jour grâce à un travail de coopération entre UBC Okanagan, le Nicola Valley Institute of Technology et le En’owkin Center, explique-t-on sur le site web de l’Université. « C’est comme ça qu’on doit faire », estime le professeur.
C’est un avis que partage le professeur au Département de linguistique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Richard Compton. Il reconnaît qu’un tel projet doit avant tout se faire « en partenariat avec les nations autochtones pour s’assurer que leurs besoins soient respectés ».
Retour aux sources
« Ça serait une fierté s’il y avait un baccalauréat en langues autochtones », croit la professeure d’anichinabée à l’Institution Kiuna Anna Mapachee. Elle ajoute qu’il s’agirait d’une motivation supplémentaire pour les jeunes autochtones à poursuivre leurs études.
« Les nations autochtones sont beaucoup plus éduquées qu’elles ne l’étaient avant », mentionne celle qui est témoin de leur ascension sur les bancs d’université. La professeure est d’avis qu’un baccalauréat pourrait contribuer à augmenter leur présence. Selon Richard Compton, une telle avancée pourrait diminuer le taux de décrochage scolaire dans les communautés où les jeunes ne parlent pas la langue de leur nation afin de l’apprendre.
Francis Lévesque juge qu’un tel projet serait d’une grande importance « au niveau identitaire ». Selon lui, de meilleures connaissances sur leur culture permettrait aux autochtones d’en assurer la pérennité. « Ça serait extraordinaire parce que ça donnerait de la légitimité aux langues autochtones », renchérit le professeur.
Anna Mapachee rappelle que toute la génération d’autochtones ayant vécue les pensionnats a été dissociée de sa culture à un jeune âge. Un accès à un baccalauréat en langues autochtones leur permettrait ainsi de renouer avec leurs origines.
Quelques conditions
Selon Richard Compton, une telle formation se doit d’être accessible et à proximité des nations autochtones afin que les membres n’aient pas à les quitter. Il estime que l’UQAT, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et les universités montréalaises pourraient toutes mettre en place un baccalauréat en langues autochtones.
Le professeur uqamien rappelle que les ressources humaines dans les établissements scolaires sont déjà déficientes dans certaines communautés autochtones. « C’est un défi au Nunavik de trouver des professeurs pour enseigner dans les écoles », remarque le spécialiste en langues inuites. Si Anna Mapachee reconnaît que le manque de personnel enseignant pourrait être un défi potentiel, la professeure se dit partante pour prêter main-forte à l’université qui mettra en place un baccalauréat en langues autochtones.
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