Le documentaire criminel : une curiosité sombre mais répandue

Assis dans le confort de son chez-soi, les portes verrouillées, il suffit d’allumer la télévision pour se faire relater des morts sordides. Habité(e) par une étrange fascination de découvrir les dessous d’un meurtre, il est difficile pour l’adepte du documentaire criminel de résister à l’envie de peser sur play et de se faire aspirer par l’univers du « true crime ». 

Le documentaire criminel raconte en détail une variété de crimes qui sont réellement survenus. Malgré son côté obscur, le « true crime » ne manque jamais de fasciner, autant aux États-Unis qu’au Québec. Les baladodiffusion d’ici telles que « L’ombre du doute » de Stéphane Berthomet, « Histoires d’Enquête » et « Ma version des faits » d’Isabelle Richer et « Synthèses » de Julien Morissette ont tous vu le jour dans les dernières années.  

Auteur de la pièce Saint-André-de-l’Épouvante, du livre Arvida et scénariste de la websérie Terreur 404, le professeur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Samuel Archibald baigne dans l’univers de l’horreur. Malgré la morbidité du documentaire criminel, il soutient que « nous sommes mortels et donc fatalement intrigués par les avenues les plus sordides et inquiétantes de la mortalité ». Selon l’auteur, le documentaire criminel permet de mieux comprendre le crime. « Le genre true crime va s’efforcer d’approfondir, d’analyser et en partie d’expliquer des crimes qui, exposés sur les premières pages des journaux, décrits à la radio ou montrés à la télévision, semblent tout bonnement insensés », précise-t-il.

Une fascination pour l’inconnu 

Kelly Ann Oligny, étudiante au baccalauréat en psychologie, est une grande amatrice de documentaires criminels. Elle se dit captivée par l’aspect comportemental des criminels que mettent en lumière ce genre de séries, ainsi que la psychologie derrière le crime. « J’essaie de comprendre le pourquoi du comment », affirme-t-elle.

Selon Emile Gauthier, co-animateur de la baladodiffusion intitulée Distorsion, la popularité du « true crime » se comprend par une fascination pour l’inconnu : « il y a un côté mystérieux qui amène le spectateur à réaliser ses propres recherches, à formuler ses propres hypothèses et à tenter de créer une rationalité derrière les gestes parfois tragiques qui ont été posés. »

Bailey Sarian, Eleanor Neale et Victoria Charlton ne sont que quelques exemples d’influenceuses dont le contenu de type documentaire criminel fascine Camille Senior, étudiante au cégep. Son intérêt vient de son désir de découvrir « comment des gens tuent et pourquoi. J’aime l’action, savoir ce qu’il se passe et comment résoudre [le crime] », dit-elle en décrivant une curiosité commune autant chez les adeptes de « true crime » que chez les adeptes du documentaire criminel. 

Camille Senior ajoute qu’une des raisons pour lesquelles elle aime autant ce type de documentaire est pour mieux se protéger et être mieux outillée. « En regardant du contenu true crime, je peux voir [quelles erreurs les victimes ont commises] », raconte-t-elle. Elle se sert des informations décrites dans les documentaires comme un moyen de défense, pour éviter de devenir victime à son tour. 

Contrairement aux croyances générales, regarder des séries de type « true crime » n’indique pas un manque de sensibilité, au contraire, estime M. Gauthier. Les personnes qui consomment ce type de contenu s’identifient souvent aux victimes et concluent qu’ils et elles auraient aussi bien pu être à la place de ces individus, ajoute-t-il. 

Selon M. Gauthier, l’important est de « ne jamais perdre de vue que des personnes bien réelles ont vécu ces histoires parfois tragiques ». La Youtubeuse et autrice du livre Gardez l’oeil ouvert, Victoria Charlton est du même avis : « [Il est] essentiel de ne jamais oublier que dans tout cet univers fascinant du true crime, il y a de réelles victimes qui ont terriblement souffert et leurs proches continuent de souffrir », mentionne-t-elle.

La violence faite aux femmes

Le scénariste Samuel Archibald souligne un élément du phénomène « true crime » souvent déconsidéré. « Les mèmes sur Facebook ou Instagram et les humoristes, surtout masculins, ironisent beaucoup là-dessus: comment est-ce que ça peut être devenu une mode pour les filles que de suivre des séries sur des tueurs en série ou sur des meurtres sordides de femmes ? », décrit-t-il. La réalité derrière cet intérêt marqué chez les femmes est sombre. Selon l’auteur, ce phénomène peut être expliqué en partie par le fait que contrairement à la banalité avec laquelle les films et émissions ont toujours traité les féminicides, les documentaires criminels « dissèquent la violence envers les femmes sans la mettre en image », et donc les femmes peuvent « s’en fasciner, sans avoir à en subir la représentation banalisée ».

Malgré leur côté sombre, les documentaires criminels mettent en lumière les injustices présentes dans le système juridique, les pratiques abusives ainsi que les erreurs qui ont pu être commises par les forces de l’ordre, indique M. Archibald. Le « true crime » pourrait donc aider l’appareil judiciaire à progresser socialement, et ainsi rendre la société plus équitable, mentionne l’auteur. 

Mention photo : Édouard Desroches

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