Pour son dernier apéro-conférence de la session, qui s’est tenu le 1er avril dernier, le magazine étudiant uqamien à visée internationale L’Apostrophe proposait une conférence sur le journalisme conscient. À l’occasion de cette rencontre conviviale, les journalistes invitées Lela Savic, Vanessa Destiné et Shushan Bacon ont sensibilisé le public à la couverture des enjeux des minorités.
La rencontre a débuté avec les deux animatrices, Naïka Edouard et Sènan Guèdègbé, qui ont d’abord défini les grands termes de la conférence, notamment le tokénisme – une pratique qui consiste à embaucher des personnes issues de la diversité pour paraître plus inclusif –, l’objectivité journalistique, la couverture sensible et le journalisme conscient. C’est ce dernier qui a rythmé la rencontre.
En effet, un ou une journaliste doit savoir que, même s’il ou elle pense ne jamais avoir tenu de propos racistes ou discriminants, il ou elle peut induire des biais inconscients à ses reportages, ont indiqué les panélistes. Tout au long de cette conférence, les trois invitées ont raconté leurs expériences personnelles, en rapport avec les grands thèmes abordés par les animatrices Naïka Edouard et de Sènan Guèdègbé.
Ce troisième panel de L’Apostrophe a réuni moins de personnes que les deux premiers. Selon la co-rédactrice du magazine Laurence Taschereau, ainsi que les animatrices Sènan et Naïka, cela s’explique par le sujet abordé. Selon elles, parler de racisme systémique fait peur, car personne n’a envie d’être confronté à ses biais ou ses torts. « C’est un sujet qui divise », ajoute Sènan. Les trois étudiantes en journalisme pensent que le côté « confrontant » du sujet a pu rebuter certains et certaines.
Malgré le petit nombre d’auditeurs et d’auditrices, ils et elles semblaient passionné(e)s par les sujets abordés. Même que le temps manquait pour répondre à toutes les questions. « En termes de contenu qui a été abordé, je suis plus que satisfaite, ça dépasse mes attentes », confie Laurence.
Un choix de panéliste pertinent
La diversité des panélistes permettait d’avoir des regards différents sur les questions abordées. En effet, Lela Savic, d’origine rom, est la rédactrice en chef et fondatrice du média La Converse, un journal qui donne la parole aux personnes issues de minorités.
Selon elle, donner la place aux personnes issues de la diversité, c’est quelque chose que les médias traditionnels ne font pas correctement. « Les personnes racisées qu’on retrouve dans les médias québécois sont souvent assimilées. Les personnes racisées qui ne le sont pas travaillent à La Converse », indique-t-elle. En tout temps, il faut servir la communauté et se demander : « est-ce que c’est ma place de faire ça ? », ajoute Lela. Chaque journaliste, lorsqu’il reçoit une affectation, doit se demander s’il est le plus apte à couvrir le sujet dont il est question, pour éviter les biais inconscients.
À l’Aboriginal Peoples Television Network (APTN), un média d’information autochtone, ce sont des personnes issues des communautés autochtones qui couvrent les sujets autochtones, insiste Shushan Bacon, qui travaille pour l’APTN. Elle soutient que son média lui permet de contourner la censure qui existe au Québec quant à ces enjeux.
« C’est un média d’une communauté pour sa communauté », explique-t-elle. Shushan Bacon qualifie l’APTN de « sécurisation culturelle », c’est-à-dire qu’il est plus facile d’être confortable en couvrant des enjeux qui nous touchent particulièrement. « Mon identité innu, c’est ma force », poursuit-elle.
Lela Savic ajoute même que les personnes issues de minorités qui travaillent pour des médias québécois « encouragent la suprématie blanche » en n’osant pas s’opposer lorsque un biais de racisme systémique est commis. Elle ajoute que ses idées ont du mal à faire leur place au Québec, alors qu’elles semblent plus acceptées à l’étranger, comme en France ou aux États-Unis.
Vanessa Destiné, journaliste à Noovo, pense que l’important pour le moment est d’augmenter la représentativité, car au Québec, « tous les médias sont problématiques à différents égards dans la couverture des enjeux [des minorités] ». Elle explique qu’elle a déjà été refusée d’un grand média à cause de son accent, qui aurait fait référence à ses origines. Elle raconte pourtant qu’elle n’a pas vécu de tokénisme, puisqu’elle a commencé son métier dans le monde du journalisme web, un univers dans lequel travaille une génération plutôt jeune.
Ce troisième apéro-conférence de L’Apostrophe a permis, selon les organisatrices, de mettre en lumière les failles du journalisme québécois et de donner les outils pour mieux couvrir les enjeux propres aux minorités. De plus, les panélistes sont d’avis que les journalistes blancs doivent être les allié(e)s des journalistes issu(e)s de minorités.
Photo fournie par Julien Forest
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