Le SPVM insensible aux assassinats et disparitions de femmes autochtones, selon une étude

Profilage racial, manque de sensibilité, méconnaissance des services adaptés et des enjeux autochtones : le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) entretient une mauvaise collaboration avec les milieux autochtones sur la question des femmes autochtones assassinées et disparues. Ce sont les conclusions d’une étude réalisée par trois chercheures de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

L’étude, réalisée en partenariat avec l’organisme Femmes autochtones du Québec (FAQ),  a été dirigée par trois professeures au Département des sciences juridiques de l’UQAM : Dominique Bernier, Doris Farget et Mirja Trilsch. Les chercheures étaient en charge du volet québécois du projet Looking out for each other – Assisting Aboriginal Families and Communities when an Aboriginal Woman Goes Missing, mené par la professeure de la Faculté de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, Jula Hughes. 

L’initiative vise à démontrer à la fois l’existence de la disparition et l’assassinat de femmes autochtones dans l’Est canadien, mais aussi « l’amélioration de notre capacité collective à fournir des services appropriés, efficaces et culturellement adaptés aux proches de personnes autochtones disparues ou assassinées », peut-on lire dans le rapport.  Bien que l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées de 2015 ait révélé l’existence d’une problématique en région, les chercheures ont décidé de s’interroger au phénomène dans la métropole, négligée des recherches. 

Pour les chercheures, c’était important de s’associer avec un organisme comme FAQ. « Ce n’était pas à nous, en tant que chercheures non-autochtones, de mener la recherche. Nous avons donc choisi de faire un partenariat avec FAQ parce que l’organisme avait déjà travaillé sur cet enjeu », explique Doris Farget en entrevue avec le Montréal Campus. L’association s’est concrétisée en juillet 2018. 

Des constats inquiétants

Si l’étude souligne une certaine progression grâce à la création d’un poste de liaison autochtone à la suite de l’Accord de collaboration signé en 2015, les chercheures constatent que beaucoup de travail reste à faire. Le rapport mentionne que le manque de services ou de services adaptés aux membres des communautés autochtones contribue à amplifier le phénomène de la disparition et l’assassinat de femmes autochtones. Lorsqu’un signalement est fait, les agents et agentes ne connaissent pas toujours les ressources adaptées à ces communautés. Ils et elles sont donc incapables de les aider correctement. On dénote aussi de la discrimination et du profilage racial qui nuit à la collaboration entre le SPVM et les communautés autochtones. De plus, « il y a consensus autour de la nécessité d’une collaboration entre le SPVM et les organisations communautaires et autochtones » pour attaquer cette problématique, peut-on lire dans le rapport. 

Au-delà des constats, les chercheures uqamiennes formulent des recommandations. Elles suggèrent que « le SPVM doit autochtoniser sa réponse face aux disparitions et assassinats de femmes et de filles autochtones ». Selon elles, il est essentiel d’améliorer la collaboration entre celles-ci et les autorités policières de la métropole. Les agents et agentes de police doivent accroître leur sensibilité face aux « injustices systémiques » que vivent les membres des communautés autochtones.

Il est aussi impératif pour le SPVM de mettre en place des protocoles clairs lors d’interventions auprès des femmes autochtones. Les chercheures considèrent que le Service de police doit aller au-delà d’un poste de liaison autochtone en mettant en place une équipe pour que la charge de travail soit répartie entre plusieurs individus. Une table de travail doit aussi être mise sur pied « rapidement » afin que le SPVM et les organisations autochtones montréalaises, dont FAQ, puissent analyser les rapports d’événements qui aborde l’assassinat ou la disparition d’une femme autochtone. 

Aucune surprise

La présidente de FAQ, Viviane Michel, se dit nullement étonnée des constats faits par cette étude, mais elle est très satisfaite des recommandations suggérées. « Le SPVM devrait voir [les recommandations dans le rapport] comme des critiques constructives », croit la présidente. 

« C’est décourageant parce que les femmes ont besoin de protection et de l’accès à ces services, déplore Mme Michel. Il est important de faire regagner la confiance des femmes autochtones envers ces entités. » Ce que Mme Michel espère surtout est une « vraie collaboration » entre les communautés autochtones et le SPVM. « Nos femmes se promènent dans la rue, ont besoin de sécurité et de protection », affirme-t-elle. 

De son côté, Doris Farget souhaite avant tout que cette étude menée avec ses collègues permette « la mise en œuvre d’une collaboration basée sur la confiance », qui devra passer par l’imputabilité des gestes discriminatoires des agents et agentes de police. 

Dès le début du projet de recherche, les chercheures, en accord avec FAQ, ont pris la décision de ne pas aller à la rencontre de familles de femmes autochtones disparues et assassinées. Comme ce projet de recherche a été mené au même moment que la Commission Viens et l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées, il était important pour toutes de ne pas les solliciter davantage. Les conclusions ont toutefois été tirées à la suite de 21 entretiens, dont quatre avec des membres du SPVM et neuf avec des membres d’une nation autochtone. 

Mention illustration Édouard Desroches | Montréal Campus

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