Musique politisée pour un monde démocratisé

L’autrice-compositrice-interprète américaine Demi Lovato sortait, le 14 octobre dernier, son simple Commander In Chief, qui est une lettre ouverte au président sortant Donald Trump. Après la mise en ligne de sa chanson, l’artiste a reçu un grand nombre de messages de la part de son auditoire aux valeurs plus conservatrices. Tous et toutes lui indiquaient que ce n’est pas son rôle, en tant que chanteuse, de donner son avis sur des enjeux politiques. L’arrivée des réseaux sociaux n’a définitivement pas rendu la tâche facile aux artistes qui prennent le retour du boomerang à chaque engagement politique. Depuis des décennies, les artistes prennent parti et se lancent même dans la course politique comme a pu le faire le le 40e président des États-Unis, Ronald Reagan, qui était un animateur radio et acteur avant d’être un homme politique. 

Cette tendance n’est pas seulement américaine. Au Québec aussi, certain(e)s artistes comme Richard Desjardins et Loco Locass prennent parole à propos de sujets politisés. Le groupe folk rock alternatif les Cowboys Fringants se nourrit d’ailleurs principalement d’enjeux sociétaux importants pour créer ses chansons. Dans un grand nombre de ses morceaux, le groupe revendique des idées souverainistes et environnementalistes, comme dans Lettre à Lévesque ou Plus rien. Les Cowboys Fringants illustrent parfaitement le succès que peuvent engendrer des textes politisés. Par ailleurs, leur prospérité est la preuve que prendre parti dans des enjeux de société ne signe pas la fin d’une carrière : une peur encore bien présente chez certain(e)s artistes. 

Une inquiétude justifiée par la possibilité d’une perte de leur auditoire. L’autrice-compositrice-interprète américaine Taylor Swift s’est confiée sur le sujet dans son documentaire Miss Americana, sorti en janvier dernier. L’artiste avait à coeur de s’opposer aux idées politiques de la nouvelle sénatrice conservatrice du Tennessee, Marsha Blackburn. Même au sein de sa famille, cette prise de position divise. En l’occurrence, le père de la chanteuse s’oppose à cette prise de parole par crainte que l’auditoire de sa fille se détache. Malgré les doutes, Taylor Swift a publié un message sur sa page personnelle Instagram annonçant qu’elle ne voterait pas pour la sénatrice Blackburn, mais qu’elle allait plutôt soutenir son adversaire démocrate Phil Bredesen. Une prise de position qui lui a amené une nouvelle vague d’auditeurs et d’auditrices. 

L’art de politiser 

« Une oeuvre n’est pas là pour plaire, elle est là pour enflammer », a proclamé Wajdi Mouawad, directeur artistique et dramaturge français, dans un texte d’opinion écrit pour Le Droit. Et il n’a pas tort, l’art a toujours existé pour déranger et bouleverser le public. Une intervention qui reste pertinente et ancrée dans l’actualité, à l’heure où le monde culturel américain s’est engagé corps et âme, quitte à en incommoder certain(e)s, durant la présidentielle américaine de 2020. Un dénouement qui aura fait bien des heureux et des heureuses dans le corps artistique du pays.

Mais, alors, est-ce qu’un(e) artiste existe seulement pour nous divertir ? La réponse est non. Dans le cas de la musique, aucune loi ne stipule que l’artiste n’a pas le droit de s’engager politiquement. Les artistes ont la chance d’avoir une plateforme pour faire passer des messages, ils et elles sont donc en droit de s’en servir. C’est aussi un moyen pour un(e) artiste de mettre de l’avant l’importance de voter ou de ne pas le faire, afin de faire entendre sa voix en tant que citoyen(ne). Quoi qu’il en soit, les artistes contribuent grandement à la prise de position politique du public. 

La musique a le pouvoir d’être une production culturelle qui rend intime la relation entre le public et l’artiste. Un lien privilégié qui permet un contact instantané avec l’auditoire afin de le faire réfléchir sur ses valeurs et croyances. 

L’art est fait pour avoir un impact sur la vie de son public : que ce soit bon ou mauvais. C’est là qu’est toute la beauté de la culture. Mais sommes-nous prêt(e)s à laisser aux artistes une plus grande place sur la scène politique ? Kanye West a déjà tenté sa chance en se présentant aux présidentielles américaines de 2020, alors quand Lady Gaga lancera-t-elle sa campagne pour les présidentielles de 2024 ?

Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.

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