Tipatshimun : portrait immersif de la culture innue

La série de six baladodiffusions Tipatshimun : l’histoire orale à l’ère numérique regroupe plusieurs participant(e)s et 7 réalisateurs et réalisatrices innu(e)s, passant de Florent Vollant à Joséphine Bacon, avec un souhait commun : promouvoir la beauté de la langue et la culture innue à travers des récits qui leur sont propres. 

Tipatshimun : l’histoire orale à l’ère du temps, résultat d’un projet-pilote de formation à la création et à la diffusion en baladodiffusion, offre une magnifique plateforme aux innu(e) de divers milieux liés aux médias. Cela dit, la qualité sonore de chacun des contenus varient puisque produits par des personnes aux capacités de montage diverses. Cependant, ces premiers balados produits par les participant(e)s ayant reçu une formation dans le contexte du projet-pilote dépeignent d’une belle façon l’étendue de la beauté et de la complexité de la culture innue encore trop peu présente dans la sphère publique.

En dépit du manque de liens entre les six baladodiffusions dans leur ton, leur contenu ou leur forme, la thématique de la culture innue agit comme fil conducteur offrant une orientation nécessaire. Toutes ces différences offrent un large éventail de choix qui fait la force de la série. L’audience est libre de choisir l’ordre d’écoute ou même le nombre de balados écoutés dans la série qui est disponible depuis le 18 janvier sur le site du projet et les plateformes Spotify, iTunes et OHdio.

La langue comme porte d’entrée sur la culture

La langue innue est présente dans chaque baladodiffusion, ce qui est un moyen pour la série de réaliser son but de promouvoir la langue et la culture innue en toute simplicité. La légende de Tshakapesh, légende sur le commencement du monde, racontée en innu par Charles Api Bellefleur et traduite en français par Joséphine Bacon, propulse l’auditoire aux premières loges de la culture innue.  Joséphine Bacon fait allusion à celle-ci dans Les mots de Joséphine en appelant à la réappropriation de la culture lors de la discussion sur la scapulomancie, science de la lecture des omoplates d’animaux éclatés à la chaleur du feu.

Les mots de Joséphine est né d’une envie pressante de démystifier les mots qui sont amenés à disparaître. Bien qu’elle contient, à l’instar des autres balados, une certaine fibre militante, son contenu est beaucoup plus léger. La discussion décomplexée entre les poétesses Joséphine Bacon et Marie-Andrée Gill mêle la nature des mots aux anecdotes s’y rapportant. Les 11 mots choisis offrent un portrait de certaines croyances autochtones tout en envoyant des images d’une rare puissance. « C’est à travers les mots que l’on connaît mieux la culture de l’autre », soutient Joséphine Bacon en entrevue avec le Montréal Campus.

Par ailleurs, les épisodes mettant de l’avant un autre aspect de la culture innue ne parviennent pas à transmettre la culture innue de façon aussi limpide que ceux sur la langue. Puamun Meshkenu donne la parole aux dix futures ambassadrices autochtones du projet éponyme, lesquelles racontent avec générosité et honnêteté leurs rêves et ambitions à la fois en innu, en anglais et en français. Pour sa part, bien que la discussion de On n’est pas des sauvages manque quelque peu de naturel entre l’animateur et l’animatrice, on y brosse un portrait authentique de la culture innue grâce à un contenu recherché transmis avec humour. 

Récits touchants  

Sous forme de récits d’une grande complexité, deux des épisodes transportent l’audience au coeur de la réalité des deux narrateurs. C’était ma vie, le bois propose une réflexion touchante sur le processus de « double pardon » et de réappropriation culturelle suite au traumatisme des pensionnats. La richesse de cet épisode réside dans son approche personnelle et empathique particulièrement émouvante : une discussion entre Tim Lalo Malec et son père démontre ainsi l’insidiosité des pensionnats et leurs impacts sur plus d’une génération.

Ponctué d’une grande délicatesse, le récit Florent Vollant : Innu Nikamun, revisite le parcours et les inspirations musicales d’un chanteur avec une grande sincérité. L’auteur-compositeur-interprète aborde d’ailleurs brièvement lui aussi la question des pensionnats, mais sous un angle complémentaire. Il évoque avec lucidité les promesses faites à ses parents par les religieux lors de son envoi au pensionnat.

Ces balados plongent l’auditoire au coeur d’une culture riche et précieuse, racontée à travers des voix marquées par les mille réalités qui les habitent. Hormis le manque d’uniformité, Tipatshimun est une série très touchante et qui ne laissera d’autres choix à l’auditoire que d’écouter l’ensemble des épisodes.

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