La culture, mal-aimée de la pandémie

Depuis quelques mois déjà, je coiffe le rôle de cheffe du pupitre culture au Montréal Campus, un poste occupé par des dizaines de têtes avant la mienne. Chaque semaine, ma collègue Andréa et moi recherchons des sujets intéressants et pertinents pour le journal étudiant. Une tâche agréable, parfois ardue, que plusieurs autres ont réalisée au fil des années.

Leur travail était toutefois quelque peu différent, puisque la culture ne prenait jamais de pause, ce qui créait un flot continuel de sujets. Cette année, la COVID-19 a freiné cette abondance d’art à laquelle nous étions pourtant accoutumés. 

En mars dernier, un premier confinement surprenant a engendré une pause de trois mois pour les cinémas, théâtres, musées, galeries et autres. Services essentiels seulement, disait-on. On le sait bien, la culture n’est qu’un divertissement, rien de plus.

C’est avec le moral à plat et l’économie qui battait de l’aile que le confinement a pris fin, ou qu’un sursis nous a plutôt été accordé.

En septembre, on ferme à nouveau les portes des institutions culturelles. La deuxième vague avait pointé le bout de son nez, et il n’en fallait pas plus pour déclencher la crainte d’un raz-de-marée comparable à celui du printemps dernier.

Mais pitié, continuez à nous amuser. L’hiver froid est imminent, le télétravail-école-autre est épuisant, nous avons besoin de divertissements.

Telle est la requête de la population. Une demande juste, mais qui exige des efforts grandioses de la part des artistes qui sont sans trop de moyens, sans trop d’argent.

Le gouvernement québécois a investi en culture depuis le début de la pandémie, précisément 450 millions de dollars. Une somme astronomique, mais qui ne bénéficie pas à tous. Les 50 derniers millions annoncés au début du mois d’octobre serviront uniquement au remboursement des revenus de billetteries anticipés.  

« Un geste fort », comme l’a souligné la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, mais qui comporte certaines failles. Par exemple, la plupart des propriétaires de galeries d’art ne fonctionnent pas avec une billetterie. Leur revenu est issu de la vente d’œuvres. Malheureusement, qui dit galeries fermées, dit aussi moins d’art acheté.

Dans le canot de sauvetage de la pandémie, c’est la santé, l’éducation et la sécurité financière qui passent d’abord, laissant sombrer le milieu culturel et les artistes. Bien que compréhensible, la réalité demeure : le domaine artistique coule sous nos yeux.

Année après année, la culture va de mal en pis : nos auteurs et nos autrices sont sous-rémunéré(e)s, 65% d’entre eux et elles gagnent moins de 5000$ par année selon l’Union des écrivaines et écrivains québécois ; les cinémas ferment leurs portes alors que les plateformes de diffusion en ligne ne cessent d’ouvrir des comptes ; et les musicien(ne)s ne gagnent que quelques sous par écoute, ce qui est bien loin d’être suffisant. 

La pandémie ne fait qu’empirer ce désolant constat. L’industrie de la musique est forcée d’annuler tous ses concerts, laissant pleine place aux applications qui grugent les salaires. Les grandes productions de théâtre et de cinéma mettent leurs activités sur pause par peur d’un revenu médiocre issu de la fermeture des salles. 

La COVID-19 affecte l’entièreté de la société, il ne faut pas s’y tromper, mais la culture est tristement affligée. Le manque de financement et la fermeture des milieux engendrent une diminution des productions artistiques qui aura forcément un impact considérable sur la population. 

Mais à quand cette prise de conscience où l’on accepte que la culture est un service essentiel? Que l’élastique sur lequel on tire est sur le point de rompre? Et par le fait même, de blesser. Blesser tou(te)s ces employé(e)s diligent(e)s qui s’évertuent à ouvrir les esprits et à bâtir les consciences tout en amusant. 

Nos artistes ont besoin, plus que jamais, de soutien. De celui du gouvernement, mais du nôtre aussi. Continuons d’apprécier leur art, mais de façon intelligente. Payons pour le contenu, pour s’assurer de toujours y avoir accès, mais surtout pour reconnaître la contribution plus qu’importante de la culture à notre société.

Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.

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