Le Festival de Films Féministes de Montréal : créé pour disparaître

Malgré une diminution de l’achalandage dû à sa tenue en ligne, le Festival de Films Féministes de Montréal (FFFM), qui s’est déroulé du 2 au 12 décembre, célèbrait sa quatrième édition avec une programmation venue des quatre coins du globe. Portrait de ce festival aux enjeux actuels.

À la surprise de sa fondatrice, Magenta Baribeau, les trois premières éditions du Festival de Films Féministes de Montréal (FFFM) ont donné la majorité de leurs représentations à guichet fermé. « Nous n’avions pas le budget pour louer de grandes salles, mais c’est toujours surprenant de devoir refuser des gens à l’entrée pour un petit festival », raconte la directrice du FFFM dans une entrevue accordée au Montréal Campus. 

Mme Baribeau croit que ces signes encourageants témoignent de la grande diversité de la métropole montréalaise et de son engouement pour une programmation représentative de réalités hétérogènes. Elle soutient que la tapisserie sociale de Montréal, bastion d’innombrables minorités, se prête bien à la naissance de festivals comme le sien. Elle est enchantée par l’enthousiasme démontré au festival qui se produit sans financement depuis sa première année en 2016.  

Présence médiatique réduite

Pandémie oblige, cette édition diffère des trois précédentes. « Cette année j’ai l’impression que les grands médias nous snobent », dit la fondatrice du festival qui explique que l’événement, repoussé au mois de décembre pour cause de COVID-19, se retrouve à faire concurrence aux temps des Fêtes. « Au mois de décembre, les gens ne parlent que de Noël », déclare-t-elle. C’est un moment de l’année où les causes activistes sont moins présentes dans la conscience commune d’une population. 

Magenta Baribeau explique également la réduction marquée de la couverture médiatique du festival par la coupure de nombreux postes de journalistes culturel(le)s. « Il est évident que les grands médias s’intéressent moins au monde culturel local que dans les années précédentes », affirme la fondatrice du festival.

Présenter la cause différemment

La façon de faire du Festival de Films Féministes de Montréal se veut distincte des normes des événements du genre. « Nous abordons nos thèmes en respectant la prémisse que nous ne voulons pas être un festival déprimant », dévoile Mme Baribeau, qui met toujours sur pied la programmation en priorisant l’optimisme. « L’idée de notre festival est vraiment de montrer des films qui donnent espoir, qui démontrent aux gens qu’il y a des belles choses qui se font dans le féminisme », précise Mme Baribeau.  

Le festival se tient annuellement sans thématique précise dans l’objectif « de démontrer le plus possible une pluralité de féminismes. » Magenta Baribeau explique qu’avoir un seul thème par édition restreindrait grandement le festival. « Il y a tellement de films puissants sur différents sujets et on veut le plus possible les explorer », révèle-t-elle. 

Pour l’édition de 2020, le festival a reçu plus de 400 soumissions. Selon Mme Baribeau, cela démontre non seulement l’évolution florissante du genre féministe, mais également une variété imposante de thématiques différentes qui méritent autant l’une que l’autre d’être présentées au public montréalais. « Nous avons toutes sortes de sujets et cela nous permet d’atteindre notre objectif d’être un festival féministe intersectionnel », affirme-t-elle.

Féminisme vaste

Selon Mme Baribeau, le féminisme présente plusieurs façons de voir les choses. « Le féminisme blanc sera nécessairement différent de l’afroféminisme. Le féminisme est tellement plus vaste que de simplement croire que les femmes doivent être respectées », déclare-t-elle. 

Les enjeux au sein du féminisme sont innombrables, ce qui en fait un thème fertile et propice à l’apparition de sujets auxquels la population ne penserait jamais. « Nous avons cette année un court métrage explorant la vie d’un personnage intersexe au Ghana. C’est un enjeu auquel même moi je n’avais jamais pensé », confie Mme Baribeau.

Elle est de l’avis que tous les films qui sont soumis au festival méritent d’être présentés et que leur diversité importante est un testament au vaste paysage féministe dans les arts qui est en pleine expansion. Malheureusement, le budget du festival pour la location de salles étant très limité, une sélection doit être faite et d’excellents films doivent être mis de côté. 

Se dédier à le voir mourir

« Certains de nos films sont de calibre extraordinaire et je ne vois aucune raison pour laquelle ils ne seraient pas présentés dans des plus grands festivals », questionne Mme Baribeau. La fondatrice est fière que les festivals de niche comme le sien donnent une vitrine à ces films importants qui se doivent d’être visionnés, mais elle espère qu’un jour le FFFM n’aura plus besoin d’exister. 

« Dans un monde idéal, les films que nous présentons n’auraient plus besoin de nous, parce qu’ils se retrouveraient dans les plus grands festivals et à la télévision », confie-t-elle. L’intersectionnalité de la cause féministe devra un jour être présentée dans le « mainstream ». Ce désir est la raison d’être du festival et une réalité à laquelle Mme Baribeau ne peut échapper. Elle a accepté de créer un festival, de s’y dédier entièrement et de le voir grandir, dans l’objectif d’un jour le voir disparaître, lui souhaitant adieu, souriante et fière du travail accompli.

Mention photo : Festival de films féministes de Montréal

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