Avec un conflit au Mali qui perdure, des relations de plus en plus tendues entre les pays arabo-musulmans et l’Occident et au lendemain du vote des grands électeurs confirmant la victoire de Joe Biden à la présidence des États-Unis, les chercheur(euse)s de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM n’auront jamais été aussi pertinent(e)s pour analyser les grands enjeux mondiaux.
Alors qu’il était sans emploi après la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean où il était professeur, Charles-Philippe David fonde la Chaire Raoul-Dandurand en janvier 1996. Il avait présenté le projet au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM). Quelques jours plus tard, il est approché par le recteur de l’UQAM de l’époque, Claude Corbo, qui était présent au CORIM. « À l’époque, il n’y avait aucune ouverture de porte à l’UQAM. Il n’y avait pas d’argent », témoigne M. David.
Dès sa fondation, il était clair que la chaire devait être entièrement autofinancée. C’est avec un budget de 75 000 $ lors de la première année, dont le tiers provenait de fonds privés, que la chaire débute ses opérations. Celle-ci comptait une dizaine de chercheurs et chercheuses pas plus tard qu’au mois de septembre de la même année.
La chaire arrivait à un moment très politisé à l’UQAM avec, entre autres, le référendum de 1995 l’année précédente. Il souligne que la part de financement privé, qui était un défi en soi, faisait grincer des dents. La liberté académique est toutefois l’une des valeurs fondamentales de la chaire. «Je n’ai pas une fois en 20 ans reçu une seule doléance d’un partenaire », précise-t-il.
Analyser, former et diffuser
Ces valeurs sont au cœur de la mission de la chaire. « C’est bien beau faire de la grosse recherche, mais si elle ne sert personne, à expliquer aux gens ce qui se passe dans leur environnement, je [vois]mal comment mon mandat [est] accompli », explique Charles-Philippe David. Cette vision de partage des connaissances est aussi véhiculée par son nouveau titulaire Frédérick Gagnon, qui occupe le poste depuis 2016. «[On donne] des conférences dans des cégeps, des bibliothèques, auprès d’associations, de syndicats, etc. On est très présent dans la société ailleurs que dans les médias », décrit-il. En 2019, les membres de la chaire avaient participé à plus de 300 conférences et séminaires privés.
Malgré tout, c’est surtout dans les médias que les chercheur(euse)s de la chaire jettent un éclairage analytique sur divers enjeux liés à l’actualité. Ceux-ci ont accordé 1315 entrevues médiatiques en 2019 et ont paru dans les plus grandes publications telles que le New York Times et The Economist. Cette tendance sera sans doute davantage marquée avec les dernières élections présidentielles américaines qui ont pris beaucoup de place comparément aux autres champs de recherche de la chaire.
Par exemple, Rafael Jacob et Valérie Beaudoin de l’Observatoire sur les États-Unis, créé en 2002, sont associés à la station de radio 98,5 fm depuis quatre ans. M. Jacob est désormais à l’antenne cinq jours semaine comme analyste de la politique américaine. Selon la directrice de l’information chez Cogeco media, Julie-Christine Gagnon, c’est avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir que la couverture quotidienne de l’actualité états-unienne est devenue centrale. À l’heure où la désinformation fait rage, celle-ci fait part du travail de vulgarisation des ces expert(e)s pour remettre en contexte les fausses informations que Trump peut communiquer.
« Je pense que c’était nécessaire et ce l’est encore. Les auditeurs ont rapidement été conscients qu’il fallait avoir des médias qui ramenaient les faits »
–Julie-Christine Gagnon, directrice de l’information chez Cogeco media
Outre l’Observatoire sur les États-Unis, la chaire ne compte pas moins de quatre autres équipes de recherche, constituées d’un total de 30 chercheurs et chercheuses en résidence et une centaine dans un réseau international. Sous la direction de Frédérick Gagnon, l’Observatoire sur les conflits multidimensionnels a vu le jour en 2018. Celui-ci étudie comment la désinformation, les cyberattaques et l’espionnage affectent la sécurité et les institutions canadiennes. La chaire comporte aussi le Centre Francopaix et les observatoires sur la géopolitique, et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Pour Frédérick Gagnon, outre une recherche rigoureuse et la visibilité de la chaire, la formation d’étudiants et d’étudiantes est essentielle. «C’est vraiment un beau tremplin pour les jeunes chercheur(euse)s qui veulent acquérir leur première expérience dans le domaine », affirme-t-il. Ils et elles sont d’ailleurs encouragé(e)s à donner des conférences et des entrevues.
L’avenir de la chaire
Charles-Philippe David, après 20 ans comme titulaire, profite maintenant un peu plus de la vie. Il se dit confiant avec Frédérick Gagnon à la tête de la chaire pour les 25 prochaines années. «Je suis extraordinairement impressionné par son talent et ses qualités. Cette chaire est plus diversifiée encore et a plus d’appuis, plus de partenaires. Ça prenait une nouvelle jeunesse pour insuffler un second souffle», confie-t-il. Elle a été reconduite cette année pour un mandat supplémentaire de cinq ans avec un budget annuel avoisinant le demi-million de dollars.
La Chaire Raoul-Dandurand figure parmi les plus grandes fiertés de ce dernier. «Quand je repense aux débuts en me disant dans quoi je me suis embarqué, c’est un rêve complètement fou! »
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