Me and the cult leader : la révérence de l’empathie

Dans son plus récent documentaire, Me and the Cult leader, présenté en ligne du 19 au 25 novembre dans le cadre de la 23e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le réalisateur Atsushi Sakahara porte la parole endolorie de milliers de victimes d’une attaque au gaz sarin, à travers des discussions qui percutent par leur franchise.

Le 20 mars 1995, les voies souterraines de Tokyo cherchaient leur souffle. La secte d’Aum Shinrikyo (aujourd’hui appelée Aleph) déployait ce jour-là du gaz sarin dans le métro de la métropole japonaise. L’opération, qui visait à atteindre Kasumigaseki, le centre du gouvernement, a fait 13 morts et plus de 6200 blessés, dont le cinéaste Atsushi Sakahara qui porte depuis des conséquences de ces actes, allant d’un syndrome de stress post-traumatique à des difficultés à garder les yeux ouverts. 

Près de 25 ans plus tard, Sakahara rencontre enfin un membre du culte responsable de ses maux, Hiroshi Araki. Tout au long du film, les deux hommes se déplacent dans les lieux où ils ont grandi, retraçant leur passé pour mieux comprendre leurs présents et leurs croyances actuelles respectives.

Le réalisateur accompagne d’abord le fidèle d’Aleph dans son lieu de culte. On y voit l’aridité à laquelle les croyant(e)s sont soumis(es); les repas sont contrôlés, les habits sont sobres et minimalistes et l’espace de vie est restreint. Cet aperçu dans cet univers sectaire se fait dans la curiosité et le désir de comprendre la différence. Cette approche sans jugement des plus surprenantes compte tenu du lien inusité entre le réalisateur et son compagnon donne le ton des discussions qui se trament tout au long du film.

La compréhension, une longue entreprise

L’évolution de l’entretien entre les deux hommes, malgré des décors éteints et des échanges parfois marmonnés, captive par sa transparence. En parcourant les lieux où Araki a grandi et en faisant l’inventaire de ses souvenirs sacrifiés par ses croyances, le duo aborde des questions difficiles et s’accorde une écoute franche. 

Plusieurs fois, Araki fond en larmes devant la caméra, celui-ci étant confronté aux questions sans équivoque d’un toujours souffrant Atsushi Sakahara. Ces moments de vulnérabilité vécus par les deux hommes sont vraisemblablement le fruit d’une improbable patience et d’une ouverture précieuse, et laissent aux spectateurs et aux spectatrices un fort sentiment d’exclusivité.

Dans cette oeuvre au rythme somme toute lent, par sa nature d’accompagnement d’un voyage, certaines scènes marquent l’esprit, comme lorsqu’à la toute fin, Araki s’adresse aux journalistes et aux caméras braquées sur lui. À ce moment, le public se rappelle que, malgré le pardon naissant qu’accorde le réalisateur, rien ne peut enlever les taches de la tragédie du 20 mars 1995.

Mention photo Good People Inc.

 

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