« Je m’appelle humain » : une bonté nécessaire

Avec le documentaire Je m’appelle humain, brossant le portrait de la femme de lettre Innue Joséphine Bacon, l’auteure et cinéaste abénakise Kim O’Bomsawin poursuit sa mission de faire découvrir les diverses facettes de la culture autochtone.

C’est un véritable plaisir de découvrir – ou de redécouvrir – Joséphine Bacon et sa poésie. La poétesse, devenue une figure importante de la culture autochtone, s’identifie timidement comme telle. Dans la langue innue, il n’existe pas de mots pour « poète » ni « poésie ». « Les Innus sont intrinsèquement des poètes », raconte-t-elle dès les premières minutes du film.

Au-delà de la délicate narration de Joséphine Bacon, l’oeuvre cinématographique de Kim O’Bomsawin séduit par son traitement pudique de sujets encore douloureux, en plus d’illustrer à merveille la relation que la femme de lettres entretient avec le Nutshimit, la terre de ses ancêtres.

Pour ce faire, Joséphine est amenée à revisiter les lieux qui ont marqué son passé, évoquant des émotions qu’il aurait été impossible de vivre autrement. Le public l’accompagne ainsi à Pessamit où elle est née, à Maliotenam où elle a vécu quatorze ans en pensionnat autochtone, à Natashquan où elle a créé des liens étroits avec certaines personnes, à Montréal où elle s’est établie en 1968 ainsi qu’à Mushuau-nipi, dans le Grand Nord québécois, où elle puise sa force et son inspiration.

La cinématographie rend d’ailleurs un bel hommage à la beauté de la Côte-Nord. Bercées par des images de la toundra québécoise, les scènes sont inoubliables. L’une d’elles montre Joséphine se laissant porter sur le dos de son amie et poétesse Marie-Andrée Gill, alors qu’elles se trouvent au coeur du Mushuau-nipi. Autour d’elles, le paysage est spectaculaire, immense et plus coloré qu’on ne pourrait se l’imager.

Un exemple de résilience

Bien que le bonheur jaillisse de partout dans le documentaire, certaines archives visuelles inédites rappellent sa jeunesse difficile. Encore une fois, les émotions que vit Joséphine sont transmises aux spectateurs avec brio.

Du haut de ses 73 ans, Joséphine Bacon a vécu le cinquième de sa vie dans un pensionnat autochtone. De 5 à 19 ans, elle y a traversé la période où les enfants se forgent une personnalité.

Elle réussit toutefois à éviter un déracinement complet en côtoyant les jeunes des communautés environnantes, ce qui lui permet entre autres de converser dans sa langue maternelle. Plus tard, ses aînés lui offrent le cadeau qu’est son identité, par les histoires qu’ils lui racontent.

Une fois installée à Montréal, Joséphine ne perd pas ses habitudes nomades. Alors qu’elle peine à trouver des emplois, elle est contrainte à l’itinérance. « Mais c’était une itinérance qui n’était pas déprimante », assure Joséphine en racontant les anecdotes de son passé vagabond. Encore aujourd’hui et en dépit de la reconnaissance internationale que connaissent ses recueils, elle vit de manière très modeste.

« Je ne suis pas l’errante de la ville. Je suis la nomade de la Toundra », écrit Joséphine dans son recueil Un thé dans la toundra – Nipishapui nete mushuat.

Le documentaire permet néanmoins de constater l’étendue de la sagesse de Joséphine Bacon. Tout comme Kim O’Bomsawin, elle s’engage dans la survie de la langue et des traditions innues depuis des décennies. C’est d’abord en innu que Joséphine écrit sa poésie, pour ses aînés qui ne lisent pas le français et n’ont autre à lire que les traductions de la Bible. 

Mais le miracle réside dans le fait qu’elle la traduit ensuite dans un français d’une grande fraîcheur. Découvrir ses écrits, c’est s’ouvrir à une vie de mots qui n’a rien d’ordinaire.

Mention photo: Terre innue_Maison 4:3

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