« Conference » : à la mémoire de Dubrovka

Le long-métrage d’Ivan Ivanovitch Tverdovsky, Conference, résonne en ligne avec puissance au Festival du nouveau cinéma jusqu’au 31 octobre dans un hommage déconcertant aux victimes du théâtre Dubrovka, 17 ans après la prise d’otages en Russie.

Le réalisateur russe présente un drame inspiré d’une histoire vraie et dépourvu du débat politique qui entoure encore la tragédie où plus d’une centaine de personnes ont perdu la vie. Sur un plateau d’argent, Ivan I. Tverdovsky sert un récit cru, mais nécessaire au devoir de mémoire des Moscovites. 

L’héroïne Natalya (Natalya Pavlenkova), dame dont les traits du visage miroitent un âge avancé, revient à Moscou pour organiser une veillée hommage aux événements du 23 au 26 octobre 2002. Des terroristes ont pris en otage près de 900 spectateurs et spectatrices au théâtre Dubrovka, chamboulant sa vie et celle de dizaines de familles.

Le désir de recueillir des témoignages frôle parfois l’inconvenance, mais le respect que la dame porte à l’égard des victimes est sincère. Néanmoins, sa fille Galya (Kseniya Zueva) déteste son initiative. Ses crises de colère glacent le sang, mais jamais elles ne sont justifiées. Les personnages sont rongés par la culpabilité. 

Revivre la prise d’otages

Accompagnée d’une autre survivante, Sveta (Olga Lapshina), la protagoniste orchestre un exercice de mémoire collective dans la salle de spectacle où plus d’une centaine de Russes ont perdu la vie. À tour de rôle, les invités témoignent de leurs souvenirs traumatisants dans l’esprit de reconstituer la chronologie de la tragédie. 

Soudain, la longue séquence prend une tournure inattendue. Le gardien d’immeuble demande aux gens présents de quitter la salle, ce que la majorité refuse. Et puis coup de théâtre : les survivants se barricadent entre ces mêmes murs qui ont subi la prise d’otages 17 ans plus tôt. Chaque porte est soigneusement bloquée. 

Le scénario devient un paradoxe phénoménal. Tous les personnages incarnent à nouveau leur rôle d’otage aux côtés de mannequins blancs, noirs et bleus qu’ils ont gonflés pour représenter respectivement les morts, les terroristes et les absents. Le vent souffle sur la rédemption comme une thérapie collective. 

Un cadre raffiné

La direction de la photographie de Conference impressionne par sa méticulosité. Une séquence se distingue des autres, celle de l’église. L’auditoire plonge dans chaque scène comme dans un tableau d’un siècle révolu. Le temps se fige. Le public est béat. 

La délicatesse des images envoûte, voire hypnotise. Le travail du directeur de la photographie, Fedor Glazachev, doit être souligné à la hauteur du résultat qu’il offre. L’éclairage est soigné et les couleurs ternes sont cohérentes.

Pour sa part, le cadre sonore d’Horret Kuus, de Rustam Medov et de Sten Sheripov fait frissonner la galerie par sa discrétion. La justesse du bruitage et des quelques musiques accentue l’environnement froid qui encadre le récit d’Ivan I. Tverdovsky, un récit qui mérite sa place dans le cinéma international. 

Le générique se dévoile. « À la mémoire des victimes de l’attaque terroriste ». Déjà, l’envie d’un deuxième visionnement se fait ressentir.

Crédits photo : © REASON8 Films.

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