« Souterrain »: donner bonne mine à l’homme de région

Dans son nouveau long-métrage, Souterrain, qui ouvrira le Festival du nouveau cinéma le 7 octobre, Sophie Dupuis ouvre les cachots de la masculinité pour nous permettre d’y voir, enfouie sous les carcasses de camions et les grands corps vigoureux des hommes de chantier, la complexité des rapports masculins face à la virilité, la culpabilité et la fraternité.

Valdorien, dans la vingtaine et fier propriétaire d’une camionnette, Maxime Bérubé (Joakim Robillard) travaille de longues heures dans une mine, où il préfère mâcher son cure-dent que ses mots. Quand il revient en ville pour retrouver son foyer et sa copine, il passe du temps avec son ami Julien (Théodore Pellerin), handicapé par un accident causé par celui-ci, alors qu’il conduisait en état d’ébriété.

Au travail, Maxim porte la culpabilité de sa faute sous les regards tranchants du père de Julien, également employé à la mine. Un jour, une explosion survient sous terre. Maxime est envoyé parmi l’équipe de secours, et ce dernier tentera de ramener sains et saufs tous les hommes coincés dans la mine. 

C’est dans ce film que le comédien de 29 ans, Joakim Robillard, incarne son premier grand rôle au cinéma. « Porter un gros personnage comme ça, ça demande beaucoup de travail, mais je n’ai pas été lancé sur le plateau sans aide. On a répété avant et j’avais rencontré les autres acteurs. Sophie m’a mis en confiance », relate-t-il lors d’une entrevue accordée au Montréal Campus. Ce dernier livre une performance empreinte de sensibilité, où on arrive à la fois à le détester et à l’admirer, à travers ses tempêtes émotives comme dans ses moments de tendresse fraternelle.

Pour la réalisatrice Sophie Dupuis, il est rapidement devenu impossible d’imaginer quelqu’un d’autre que Joakim Robillard pour incarner ce rôle. « C’était pour moi une évidence lors des auditions. Il a cette dualité du gars dur et vulnérable à la fois. Ça faisait dix ans que j’écrivais ce personnage-là et il était enfin devant moi », décrit-elle.

Défricher les rapports entre les mineurs

Originaire de Val-d’Or et familière au monde minier, Sophie Dupuis, qui a signé le film Chien de garde, réalise un souhait qui ne date pas d’hier, cette dernière ayant toujours voulu tourner un film autour d’une mine et de ses travailleurs. « Oui, ils ont l’image des gars “tough” qui font des jobs physiques, mais au final, ce sont des personnes tendres et sensibles, qui ne laissent pas beaucoup paraître leurs émotions. Quand on a accès à ça, c’est magnifique », évoque-t-elle.

Cette précieuse camaraderie qui se créée entre les mineurs au fil des années, la distribution de Souterrain réussit à la recréer, tel un éclat lumineux dans le tunnel dramatique que nous fait longer le film. Cette complicité a pu voir le jour grâce à ce que Sophie Dupuis décrit comme le « travail en amont » qui a été fait en vue du tournage.

« Le fait de tous être à Val-d’Or, au même hôtel, où on soupait ensemble, ça créait vraiment des liens entre eux sans compter tout le stress de se mettre dans un habit de mineur et de descendre dans la mine ensemble, qui les a beaucoup unis », confie la réalisatrice.

Un retour à ce qui compte

Dans son rôle de Julien, un jeune homme s’adaptant à son aphasie et son handicap, Théodore Pellerin traverse la toile avec une souffrance à la fois palpable et magnétique, le tout dans une simplicité désarmante. Joakim Robillard explique que le trouble de langage du personnage de Julien n’était pas dans le scénario, ses bégaiements étant une proposition de Théodore Pellerin. « Il me surprenait à chaque fois, je ne savais pas à quoi m’attendre. Ça rajoutait encore plus de naturel au personnage de Maxime, qui écoute son ami et qui essaie de le comprendre », raconte M. Robillard.

Pour l’acteur principal, ce film nous ramène à l’essentiel. « Trop souvent dans la vie on veut se protéger, chose qu’on voit chez Maxime. Il s’entraîne, il est fier de sa maison, il fait de l’argent. Tout cet orgueil et cette fierté-là ne sont pas bien dirigés. Je pense que les réelles valeurs sont au sein de la famille, de la gang, et c’est à ça qu’il faut se rattacher », conclut-il.

Le dernier tiers du film est sans temps mort, crispant le spectateur au bout de son siège. Lorsqu’on lui demande dans quelle catégorie se range Souterrain, Sophie Dupuis hésite, allant du drame au film d’action. « Je n’ai pas de réponse claire. Il y a un peu de tout dans ce film-là, et je suis contente de ça, ça sort de l’ordinaire », se réjouit-elle, se définissant comme une cinéaste aimant le mouvement.

Ode à l’amitié, ce film fait l’apologie de l’homme de région en nous dévoilant toute la vulnérabilité d’une bande de mineurs attachante, dans un récit touchant et bien ficelé.

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