Débat électoral américain : symptômes d’une démocratie malade

Les chercheurs et chercheuses de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, qui ont animé un panel virtuel à l’occasion du premier débat présidentiel américain mardi soir, ont difficilement caché leur surprise à l’issue de la soirée. La confusion, qui a marqué les quatre années de la présidence de Donald Trump, a animé les discussions après le débat.

« Ouf, ça décoiffe », s’exclame dès les premiers instants de la discussion post-débat Julien Tourreille, chercheur à l’Observatoire et animateur du panel. Les discussions entre les deux candidats se sont enflammées dès les premiers instants sans que l’incendie ne soit jamais vraiment maîtrisé.

L’équipe de la Chaire était fidèle au rendez-vous pour accompagner les internautes qui s’étaient réuni(e)s virtuellement pour visionner cette soirée tant attendue de la politique américaine, animée par le présentateur télé de Fox News Chris Wallace.

Entretien avec Daphné St-Louis Ventura, chercheuse en résidence à l’Observatoire, pour mieux comprendre la tournure des événements et les conséquences que ce premier débat aura sur les semaines de campagne à venir. 

Julien Forest (JF) : Quels ont été les grands thèmes qui ont animé le débat présidentiel?

Daphné St-Louis Ventura (DSLV) : L’inévitable, c’était de parler de la pandémie de COVID-19. Que Trump le veuille ou non, c’est le sujet de l’heure. Il essayait forcément d’emmener la discussion ailleurs, car il sait très bien que le bilan est lourd pour son pays. Joe Biden a réussi à mettre de l’avant ce facteur pour marquer des points. Trump a voulu capitaliser sur son bilan économique, mais ça tombe un peu à plat quand on constate que la COVID n’est toujours pas gérée. 

JF : Le style confrontationnel de Donald Trump s’est imposé dès les premiers instants du débat. Comment cette technique s’est-elle traduite dans les échanges entre les deux candidats?

DSLV : Cette attitude agressive et combattante fait partie de la personnalité politique du président, et c’est ce que ses électeurs aiment. Je ne pense pas que cette approche a été très efficace pour convaincre des électeurs indécis à rejoindre son camp. Ce débat était à l’image politique partisane aux États-Unis, où l’on est entré dans une polarisation extrême. C’était nous contre eux. C’est une politique qui est dans la confrontation et qui est très négative.

JF : Joe Biden est reconnu comme un gaffeur lors d’entrevues et certains et certaines remettent en question qu’il ait les capacités d’être président. Comment s’est déroulée sa performance durant ce débat ?

DSLV : Même s’il a glissé à quelques moments, Joe Biden était vif et suivait bien le rythme du débat. Si on compare avec les primaires démocrates où il y a eu certains moments qui créaient un grand malaise chez l’auditoire, je l’ai senti rassurant, essayant de calmer le jeu et représentant une essence présidentielle. Quand il fait appel à sa fibre personnelle, on le sent vraiment plus tenace. Il a parlé de ses fils et des gens qui ont perdu des proches à cause de la pandémie. Il se démarque lorsqu’il prend le temps de se connecter avec les gens. 

JF : Devant le chaos des échanges, il a été difficile que les discussions aboutissent à des idées complètes. Malgré cette confusion, qui sort gagnant de ce débat ?

DSLV : Le contexte chaotique est vraiment ce qui est ressorti du débat, ce qui me fait dire que la défaite est des deux côtés. Ce débat est à l’image des États-Unis, où il y a trop de polarisation. Ça donne l’impression d’un système politique qui est brisé, qui a des lacunes. Ça ne témoigne pas d’une démocratie en santé. On ne s’écoute plus, on ne débat plus. À ce niveau-là, je dirais que les perdants sont [les Américains].

(Crédits photo : Françoise Conea)

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