Les aléas d’étudier à partir de l’étranger

La fermeture des frontières canadiennes entraînée par la pandémie de la COVID-19 oblige plusieurs étudiants et étudiantes étranger(ère)s à étudier depuis leur pays d’origine. Deux étudiantes de l’UQAM témoignent au Montréal Campus de la tournure fortuite qu’a prise leur session d’étude.

Kim Urbain a tout de suite décidé de retourner en Guadeloupe, île française des Antilles dont elle est originaire, lorsque l’université a annoncé la fermeture du campus, le 13 mars dernier. « Je ne voulais pas rester confinée chez moi dans mon petit appartement, sans mes parents, sans vraiment savoir ce qui allait pouvoir se passer plus tard », raconte-t-elle. 

Le 15 mars, l’étudiante au baccalauréat en mode, stratégie et gestion d’affaires rejoignait ses proches : « J’ai pris mon billet en un soir et je suis arrivée, et le 16 les frontières étaient fermées. » Kim a laissé la plupart de ses possessions derrière, sous la garde de connaissances québécoises.

Pour l’instant, l’étudiante doit suivre ses cours en ligne, non sans embarras. Elle cite les nombreuses coupures de courant, parfois « en plein cours », en raison de l’instabilité de l’électricité sur l’île.

Ce qui l’inquiète d’autant plus, c’est son stage pour l’hiver prochain qu’elle espérait trouver à Montréal. Chez elle, il y a « des magasins de base, mais pas tant de sièges sociaux ou de choses vraiment intéressantes ».

Elle pourrait tenter de convaincre la douane de la laisser passer, mais ses chances sont incertaines. Bien que certains et certaines réussissent, elle cite le cas d’une autre étudiante de Guadeloupe qui s’est fait refouler à l’aéroport  « Ça fait peur. Ça veut dire que tu vas prendre un billet et que tu n’es pas sûre de pouvoir monter dans l’avion », explique-t-elle.

Elle a envisagé de se rendre à Paris, mais là encore, tout n’est pas gagné. Selon les données du gouvernement français, qui utilise un code de couleur semblable à celui du Québec, la Guadeloupe est en zone rouge et les cas d’infection continuent de grimper. Dans le cas d’un reconfinement, les vols non essentiels vers la métropole risquent d’être interdits.

Entre décalage horaire et livres introuvables

Léna Trottein vivait à Montréal depuis un an quand elle a décidé de s’inscrire à l’UQAM. Ayant déjà une licence (l’équivalent d’un baccalauréat) en éducation, elle a bifurqué vers la science politique, pour « travailler dans le social et dans les ONG [organisations non gouvernementales], à l’international ». Après cette session de cours d’appoint, elle entrera à la maîtrise.

Elle visitait ses proches en France quand le Canada a fermé ses frontières. Bien malgré elle, ses vacances d’été se sont transformées en séjour prolongé. « Je pensais vraiment que j’allais pouvoir revenir en septembre », déplore-t-elle.

Passer la frontière est  « un peu compliqué », puisqu’elle n’a pas encore reçu son permis d’étude. Avec la pandémie, les délais de traitement du ministère canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté tournent autour de dix semaines. Après ça, « il faut vraiment attester que c’est indispensable pour toi d’être à Montréal ».

En effet, selon Victor Kandasamy, adjoint de circonscription pour la secrétaire parlementaire du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, le décalage horaire n’est pas toujours un motif suffisant pour qu’un étudiant ou une étudiante puisse passer la douane. Ce pourrait l’être, par exemple, pour ceux et celles qui doivent travailler et dont les horaires atypiques de cours sapent leur énergie au boulot. Sinon, il faut que « leurs cours ne soient pas offerts en ligne », ou qu’« ils n’aient pas accès à internet ».

Léna ne répond à aucun de ces critères et n’a donc d’autre choix que de rester en France. Elle « ne connait personne du tout » dans son programme et n’interagit avec ses collègues que via son écran d’ordinateur.

Un décalage horaire de six heures contribue à cet isolement. « Quand on est à l’étranger, on se sent encore plus à part, parce que comme les gens mettent leurs caméras, il fait beau, il y a le soleil. Moi, c’est la nuit », affirme-t-elle.

La plupart des cours de Léna sont en après-midi, donc de 20h à 23h pour elle. Son cours du soir est de minuit à 3h. Heureusement, ses professeurs et professeures rendent disponibles des enregistrements de leurs cours.

Ses études demandent par ailleurs beaucoup de lectures et de recherches, qui ne sont pas toujours faciles à se procurer à l’étranger. « Il y avait un de mes profs, c’était vraiment compliqué d’avoir son livre », explique-t-elle. La coopérative de l’UQAM indiquait que l’ouvrage en question « était en rupture de stock ». Après avoir remué ciel et terre pour le trouver, Léna a conclu qu’il n’était pas disponible en sol français. Au final, le contenu sera déposé sur internet dans un délai inconnu.

Pour la recherche, elle n’a pas accès aux collections de l’UQAM. Sa ville de 5 000 âmes ne possède qu’une seule bibliothèque et Léna ne s’attend pas à trouver des ouvrages de science politique pertinents à ses recherches là-bas.

Malgré toutes ces embûches, les deux étudiantes gardent le moral. Léna regarde le bon côté des choses et se dit qu’au moins elle a l’occasion de voir ses proches. De son côté, Kim, étudiante en mode, reste confiante envers l’avenir. « Les gens ne s’arrêteront jamais de s’habiller », conclut-elle.

Photo fournie par Léna Trottein

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