Tendance grandissante depuis une dizaine d’années, l’autoédition est devenue une solution de rechange aux maisons d’édition traditionnelles. Au nom de la liberté artistique ou par défi personnel, certains auteurs et certaines autrices se lancent dans ce processus parfois difficile.
Le phénomène de l’autoédition est défini comme un modèle selon lequel un auteur ou une autrice prend en charge tous les aspects de la publication et de la diffusion de son ouvrage, sans l’intermédiaire d’une maison d’édition. Le nombre d’individus qui se sont autoédités a plus que doublé, passant de 304 en 2008 à 675 en 2017 au Québec, selon les statistiques publiées par la BAnQ.
Quant aux oeuvres numériques, le nombre de personnes ayant eu recours à l’autoédition a grandement augmenté de 2008 à 2017, passant de sept à 101. La coordonnatrice de projet et directrice des comptes de BouquinBec, Sylvie Dulac, n’est pas surprise de ces chiffres qui grimpent chaque année : « Auparavant, il y avait seulement la solution de la maison d’édition. Avec l’arrivée d’Internet, les gens se sont rendu compte qu’il était possible de tout faire soi-même. » BouquinBec est une entreprise offrant des services de correction, de conseils et d’impression aux personnes en processus d’autoédition.
Mme Dulac explique que les maisons d’édition acceptent de moins en moins de manuscrits, tant la concurrence dans l’industrie est féroce. De leur côté, les écrivains et les écrivaines font de moins en moins affaire avec celles-ci, en raison notamment des nombreuses incertitudes que comporte le processus d’édition. « La réponse peut prendre des mois, voire des années, avant de rentrer et elle est plus souvent négative que positive », ajoute la directrice de BouquinBec.
Autonomie et valorisation
La majorité des personnes qui se sont lancées dans un processus d’autoédition ne regrettent pas leur décision. L’autrice et illustratrice jeunesse Stéphanie Brière a eu recours à l’autoédition pour son premier livre, avant de fonder sa maison d’édition. La diplômée en composition et rédaction françaises à l’UQAM explique que c’est son expérience en littérature qui a motivé sa décision.
« Avec ce que j’avais appris à l’UQAM et pendant mon DEC, j’avais envie de me lancer dans un défi personnel et je ne regrette rien. » Elle ajoute que l’accessibilité grandissante au processus d’autoédition offre la possibilité à quiconque de se lancer dans l’écriture et la publication de leur ouvrage. « N’importe qui peut écrire un livre. C’est à la disposition de tout le monde, il faut seulement que la passion soit là. »
La présidente de l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), Suzanne Aubry, fait valoir la grande autonomie qu’offre le processus. Cette dernière a eu recours à l’autoédition, il y a quelques années, même si elle avait l’opportunité d’éditer son oeuvre avec Amazon. « Je voulais tenir tous les cordons plutôt que de faire affaire avec Amazon. » Cette décision lui a permis une grande liberté, ce que les auteurs et les autrices débutant(e)s peuvent être amené(e)s à sacrifier avec une maison d’édition.
Même si les ressources sont plus limitées, les écrivains et écrivaines restent en total contrôle de leur livre et touchent la totalité des redevances liées à leurs ventes. « Les redevances sont beaucoup plus élevées que le 10 % offert par la majorité des éditeurs traditionnels », confesse Mme Aubry. En plus d’offrir un statut professionnel, l’UNEQ accepte les demandes de membres d’auteurs et autrices indépendant(e)s afin d’offrir des conseils à ceux et celles voulant éditer un livre à leur compte. Même s’il faut bien réfléchir avant de produire et distribuer un ouvrage, les ressources à la disposition des écrivains et écrivaines indépendant(e)s facilitent grandement le processus. « C’est faisable! Il y a beaucoup de plateformes qui permettent de s’autoéditer. Il faut bien choisir la compagnie, étudier les prix, etc. », explique la directrice de l’UNEQ.
Liberté, mais à quel prix?
Le plus grand obstacle rencontré par les personnes ayant recours à l’autoédition n’est pas le manque d’inspiration, mais bien le manque de fonds. « C’est un énorme investissement », affirme Mme Brière. En 2016, la publication de son premier livre autoédité lui a coûté près de 1000 $, pour un total de 80 exemplaires. Les problèmes financiers sont dus en grande partie à la difficulté de certains auteurs et certaines autrices à se faire connaître. Cette situation, bien présente au Québec, est encore plus délicate pour les écrivains et écrivaines canadien(ne)s anglais(es) qui doivent compétitionner avec le marché états-unien et canadien.
« Ce qui fait que les gens se cassent les dents en autoédition, c’est la publication et la diffusion. Il est très difficile de faire connaître son oeuvre et encore plus quand tu dois tout faire », raconte Mme Aubry.
Ce travail est normalement facilité lorsque les services d’une maison d’édition sont fournis. Usant de leurs contacts et de leurs expertises, les éditeurs et les éditrices s’occupent de la diffusion et la publicité entourant un livre. Des dépenses qu’il ne faut pas négliger, comme l’explique la directrice de BouquinBec. « Sans réputation, il faut éviter de se ruiner pour son oeuvre, car rien n’est garanti. C’est un risque à prendre. »
Malgré tout, toutes les dépenses peuvent se prévoir, d’où l’importance de bien s’informer avant de se lancer dans le processus. Une fois que tout est calculé, « l’auteur pilote son projet. Il le finance, mais il fait partie intégrante du processus décisionnel à chaque étape », réitère Mme Aubry. « L’autoédition reste une des meilleures manières de créer autrement que par le biais d’un éditeur », croit-elle.
Photo William d’Avignon | Montréal Campus
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