Kukum: la reconnaissance autochtone

Finaliste pour le prestigieux prix littéraire France-Québec 2020, l’auteur innu Michel Jean se confie sur l’immense impact de sa nomination sur la cause autochtone qu’il défend et dépeint dans son dernier roman, Kukum

Publié le 23 septembre dernier aux Éditions Libre Expression, Kukum retrace le parcours d’une jeune orpheline amoureuse d’un autochtone qui décide de partager sa vie avec la nation innue du Pekuakami, de la communauté Mashteuiatsh. Michel Jean, auteur, journaliste et chef d’antenne à TVA, a vécu une grande partie de sa vie dans cette réserve saguenay-jeannoise. À partir de témoignages et de son expérience, ce titulaire d’une maîtrise en histoire à l’UQAM crée une histoire d’amour évoquant les habitudes nomades et la sédentarisation forcée des communautés innues du Québec.

Ce huitième roman de Michel Jean a été présélectionné le 10 décembre dernier et est maintenant l’un des trois finalistes pour le prix littéraire France-Québec, qui récompense chaque année un auteur ou une autrice d’ici, et ce depuis 1998. Les romans Sauvagines, de Gabrielle Filteau-Chiba (XYZ) et Ta mort à moi, de David Goudreault (Stanké), sont les deux autres finalistes. Pour Michel Jean, sa simple nomination est une grande victoire personnelle : « C’est classique, mais en réalité tu veux toujours que ton travail soit apprécié. Oui, les lecteurs l’aiment, mais personne n’est insensible à un prix aussi prestigieux. » 

Plus qu’un accomplissement personnel, cette nomination est une réussite et un pas de plus vers la reconnaissance des personnes autochtones, particulièrement les communautés innues du Québec. Lorsqu’on lui a annoncé la nouvelle, Michel Jean a tout de suite eu une pensée pour celles-ci. « Quand je pensais à ce qu’être finaliste pour le prix représente pour mes sœurs et frères autochtones, j’ai pleuré […] C’est là que c’est plus fort », répond l’écrivain.

Après avoir subi du racisme dans sa jeunesse à cause de ses origines, Michel Jean a caché ses racines innues par peur de ne jamais réussir comme journaliste et écrivain. « Pendant longtemps, je ne parlais pas du fait que j’étais Autochtone. […] Pour ne pas être identifié, pointé du doigt, vivre du racisme », explique-t-il. Selon l’auteur, les communautés autochtones ne sont que très peu représentées dans les médias, d’où la crainte de ne jamais percer. C’est de cette nécessité de se fondre dans la masse qu’est née l’envie d’illustrer les réalités autochtones grâce à la littérature. « La majorité de la population ne réalise pas ce que les Autochtones ont subi et subissent encore. Ce n’est pas dans les livres d’histoires », témoigne l’écrivain. 

Être finaliste pour le prix France-Québec est non seulement une marque de talent, mais aussi une marque d’espoir pour toutes les personnes vivant dans des réserves. « Le prix est une manière de dire qu’un jeune autochtone peut penser écrire des histoires et que celles-ci peuvent être appréciées au même titre que les autres », affirme Michel Jean.

Des mentalités qui changent

Avec les années et les générations, Michel Jean remarque que les idéologies au sujet des enjeux autochtones sont en train de changer. Il discerne une ouverture d’esprit plus grande de la part des jeunes, s’intéressant beaucoup plus aux réalités des réserves que les plus vieux. À travers les livres qu’il écrit, M. Jean espère faire vivre des émotions aux lecteurs et aux lectrices et les renseigner sur certains faits oubliés. « Je me suis rendu compte que la force de la littérature, c’est la capacité à convaincre et à ressentir les choses », confie-t-il. « Les gens réagissent beaucoup plus fort que n’importe quel reportage que je pourrais faire, car je ne m’adresse pas à leur esprit logique, mais à leur coeur », dit le journaliste.

En abordant la sédentarité obligée et la perte de territoire des peuples innus dans son roman Kukum, l’auteur cherche à faire comprendre que les communautés ne se limitent pas aux réserves. Leur territoire est immense et est le bien le plus précieux de la collectivité. Michel Jean voit sa nomination comme une reconnaissance donnant une crédibilité à son histoire basée sur des faits. « C’est un livre autochtone, d’un Autochtone qui raconte une histoire d’Autochtones d’un point de vue autochtone qui est finaliste d’un prix qui s’appelle France-Québec. Tout est dit. » 

L’annonce du gagnant ou de la gagnante se fera au Salon du livre de Montréal en novembre prochain tandis que la remise du prix sera à celui de Paris en mars 2021.

Photo Julian Faugere

Commentaires

3 réponses à “Kukum: la reconnaissance autochtone”

  1. Bravo à vous !!! Je suis fière de cette culture !!

    Et je suis native de cette Côte-Nord…… !! C¸a dit beaucoup.. MR … !!!

  2. Avatar de Ross Madeleine
    Ross Madeleine

    Moi aussi j’ai fait comme Michel j’ai caché mes origines en venant travaillée à Montréal comme infirmière dans les années 1965 et plus.
    Bravo Michel.

  3. Avatar de carol robitaille famille sioui clan du loup
    carol robitaille famille sioui clan du loup

    excellent

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