Quand le temps, l’amour et les rêves ne suffisent pas

Le Pigeon, une comédie malicieuse de onze minutes réalisée par William Mazzoleni, est l’exemple parfait d’une oeuvre qui modernise des codes maintes fois repris, avec intelligence et humour. Un heureux mélange entre Le Dîner de con (1998) et Parasite (2019). 

Fred et Julie, interprété(e)s par Olivier Morin et Geneviève Boivin Roussy, représentent le cliché du jeune couple d’artistes : il et elle ont des projets, des rêves et disposent de temps pour s’aimer dans leur modeste appartement. Vu de l’extérieur, le duo file le parfait bonheur, mais en réalité tous deux sont au pied du mur. Dès les premières minutes, l’auditoire apprend « les catastrophes de la journée » : le proprio menace le couple d’expulsion et Julie est enceinte. Pour s’en sortir, le tandem décide de se trouver un mari. C’est ainsi qu’entre en jeu le « con parfait », Éric, un riche homme d’affaires joué par Maxime Tremblay.

L’histoire est présentée sous la forme de trois narrations. Julie, qui débute, incarne une femme en confiance avec une vision nuancée de la vie. Quoique rêveuse, elle perçoit la réalité sans filtre et a une façon particulière de décrire ce qui l’entoure avec une froideur qu’on ne lui devinerait pas. Éric, le deuxième narrateur, est tout le contraire de Julie : un homme d’affaires nanti et terre à terre, mais peu confiant, et qui à travers sa narration laisse entrevoir un personnage risiblement naïf. Finalement, la narration qui illustre le plus la réalité est celle de Fred, le musicien, qui a une manière étonnante de calculer la vie comme on calcule son prochain mouvement aux échecs.

Le message derrière le scénario fait analogiquement partie de la richesse de l’oeuvre. Alors que perdure le stéréotype de la belle jeune femme se cherchant un homme fortuné à marier, communément appelé « sugar daddy », le scénariste a plutôt choisi de mettre en scène un couple pour jouer le rôle du parasite profiteur. Un ingénieux moyen de détourner un cliché surutilisé dans le monde cinématographique et créant ainsi une question qui se pose jusqu’à la dernière seconde : comment la situation pourra-t-elle se maintenir à moyen et à long terme ?

S’ajoute à la narration la musique de Pierre-Philippe Côté. C’est avec légèreté que la mélodie composée d’instruments à cordes et de cuivres donne au récit un ton complètement ironique et assumé. Au moment où le malheureux Éric se fait embobiner par le couple, une musique de bistro espagnol débute et rend ipso facto le public complice de la mesquinerie.

La beauté de ce court métrage sera en fin de compte dévoilée à celui ou celle qui saura déceler, au-delà des dialogues, l’utilité subtile de chaque plan. Sans en dire davantage, un rebondissement final attend le spectateur ou la spectatrice aguerri(e) qui se plaira à visionner Le Pigeon, une comédie agréablement malsaine et malaisante. 

Le festival Pleins Écrans, un évènement entièrement en ligne et gratuit, poursuit sa programmation jusqu’au 25 janvier.

Photo fournie par Pleins écrans

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *