La mer entre nous : un Liban guéri, mais divisé

Présenté en première mondiale le 22 novembre au Cinéma du Parc dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), La mer entre nous dépeint le quotidien de deux Libanaises que tout semble opposer et aborde les séquelles laissées par la guerre civile dans le pays.

De 1975 à 1990, une guerre civile éclate au Liban, divisant les gens de foi chrétienne et les personnes professant l’islam. Bien que les barricades aient aujourd’hui disparu des rues du pays des cèdres, la dissension est toujours palpable.

La réalisatrice et productrice québécoise d’origine arménienne Marlene Edoyan a élégamment brossé le portrait de deux femmes dans la cinquantaine : Hayat Fakhereldine, musulmane, et Wafaa Khayrallah, chrétienne. Malgré leurs perceptions manichéennes de la vie, les deux mères partagent un quotidien similaire. Cela se voit entre autres lorsque, à tour de rôle, elles décrochent leur lessive de la corde à linge. Parsemé de détails du genre, le long métrage de 102 minutes illustre que les différences figurent bien plus dans leur mentalité que dans leur routine.

C’est d’ailleurs ce que souhaite représenter la réalisatrice avec un montage alterné des histoires des deux femmes, entrecoupé ici et là par des plans de paysages libanais qui permettent au public de digérer les propos assez denses quant à la mort et au passé douloureux du pays. 

Le film commence par une mise en contexte écrite de l’histoire du pays, suivie des grondements de feux d’artifice du Nouvel An, semblables aux bruits des bombes. Ces détonations sont des références au passé violent et pas si lointain du Liban, où la réalisatrice a grandi.

Deux femmes, deux visions

Au gré des conversations, l’auditoire apprend à connaître Wafaa. Elle est phalangiste, c’est-à-dire qu’elle soutient le parti politique des Phalanges libanaises, un groupe chrétien de droite fortement militarisé. Elle tente d’ailleurs d’enseigner les rudiments de la guerre à son garçon qui n’est nullement intéressé. Wafaa a aussi une femme de ménage, Helen, qui est une travailleuse migrante, soit une citoyenne n’ayant aucun droit.

Au même moment, le public découvre Hayat. Cette dernière est progressiste et se trouve aux antipodes de Wafaa. Ayant perdu deux frères lors de la guerre civile, Hayat considère les actes violents comme problématiques. Son neveu est également décédé quelques semaines avant le tournage, alors qu’il était déployé comme soldat en Syrie.

Une nouvelle génération

Présenté en première lors de la journée de l’indépendance libanaise, cet opus arrive à point nommé alors que la contestation populaire fait rage dans le pays depuis la mi-octobre. Le peuple réclame une classe politique plus compétente et surtout moins corrompue. Marlene Edoyan, qui a aussi réalisé et produit Figure d’Armen, a d’ailleurs dédié son long métrage « à tous les Libanais au grand cœur et surtout à la voix forte de la jeunesse qui [est] dans les rues à Beyrouth et dans les différentes régions du Liban depuis 35 jours ».

D’après elle, la nouvelle génération se dissocie de la précédente. Elle est consciente de son histoire, mais ne perçoit plus la haine de la même manière. La réalisatrice ajoute que « ce film se termine là où la révolution d’un peuple commence ».

La mer entre nous est un portrait touchant, bien que par moments complexe. Un documentaire neutre où les deux points de vue sont représentés de façon éloquente. Une perception nuancée et en beauté du pays où le son des cloches retentit au même rythme que sont chantés les appels à la prière.

Photo fournie par les RIDM

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