Le ravissement : quête d’indépendance dans la froideur

Dans la pièce Le ravissement, présentée au Théâtre de Quat’Sous, Étienne Lepage explore tout en poésie et en humour la sortie de l’adolescence à travers l’émancipation d’une jeune femme le jour de son anniversaire, avec une mise en scène un peu trop rigide de Claude Poissant. 

« J’ai 18 ans aujourd’hui. » Cette première réplique introduit l’importance que revêt cet âge pour le personnage principal, Arielle, interprété par Laetitia Isambert. La comédienne joue avec un visage très inexpressif, ce qui retire quelque peu de la couleur à la protagoniste. Au commencement, un monologue, captivant grâce à la plume d’Étienne Lepage, exprime l’espoir que ressent cette jeune femme. Elle peut enfin devenir elle-même, une personne unique et à part entière. 

Pourtant, il faut d’abord qu’elle se libère des personnes de son entourage qui pourraient réfréner cette envie d’indépendance, soit sa mère, son petit ami et son patron. Ces trois personnages sont à leur manière extrêmement possessifs, et à chaque scène, Arielle échappe à leur emprise. La mère, jouée par Nathalie Mallette, refuse que sa fille sorte retrouver son amoureux, mais ne parvient pas à la retenir. Le petit copain, incarné par Simon Landry-Désy, se fait plaquer et ne comprend pas comment elle peut le quitter.

Cette fuite continuelle rend ces trois personnages furieux. Si Arielle veut partir, qu’elle s’en aille ; il et elle n’ont pas besoin d’elle. Mais leur avis change et les rôles s’inversent, la mère s’excuse et l’amant l’implore à genou. De dominant, les protagonistes passent à dominé(e)s. Le patron, interprété par Étienne Pilon, refuse cette emprise qu’elle a sur lui alors qu’il pensait pouvoir posséder son employée en lui offrant un collier coûteux. Il engage ainsi un tueur à gages, joué par Reda Guerinik, pour éliminer Arielle. 

Entre poésie et rigidité

Les dialogues d’Étienne Lepage reflètent avec justesse et humour la complexité des personnages et les hésitations d’Arielle dans sa construction de femme adulte. Cette dernière s’exprime peu et chacune de ses phrases a un impact sur son interlocuteur ou son interlocutrice, ainsi que le public. Cependant, ses proches parlent continuellement sans que cela ait d’importance pour elle. Le dramaturge a choisi de placer les protagonistes dans un contexte contemporain, ce qui permet de mieux comprendre le message exprimé. Les répliques traduisent donc cette époque, et s’adaptent à l’âge et à la situation de chaque personne. 

La mise en scène de Claude Poissant est pour sa part moins réaliste. Dans un décor quasiment vide, agrémenté d’une table ou de chaises et d’une porte selon les scènes, les comédiens et les comédiennes doivent trouver leur place. L’ensemble de l’oeuvre est très souvent figé, les mouvements sont saccadés et peu naturels. 

Seul Étienne Pilon, avec son rôle de patron hyperactif, parvient à amener un peu d’énergie à l’ambiance générale. Cette lourdeur donne à la pièce quelques longueurs et une atmosphère légèrement étouffante. La musique de transition, profonde et moderne, qui cesse brutalement avant chaque scène ajoute à cette impression d’inquiétude. 

Le ravissement traduit la violence que peut créer un désir d’indépendance. Pour être libre, il faut d’abord savoir rompre. La représentation parvient à faire réfléchir sur cette étape importante de la vie, plus compliquée qu’il n’y paraît. La pièce sera présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 16 novembre 2019. 

photo YANICK MACDONALD

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