Wapikoni mobile : 15 ans de partage culturel

Entre les communautés des Premières Nations, les Inuits, la nation Métis ainsi que les grandes villes, trois studios ambulants accumulent les kilomètres pour donner la chance aux autochtones du Canada de montrer leurs talents et leurs réalités. 

Au début des années 2000, la cofondatrice et ancienne directrice Manon Barbeau entreprend un projet de scénarisation avec un groupe de jeunes Atikamekw de Wemotaci, dont Wapikoni Awashish, une jeune femme impliquée dans la communauté. Deux ans plus tard, cette dernière décède lors d’un accident de la route impliquant un camion forestier, danger commun pour les citoyens des communautés qui doivent prendre des chemins éloignés et périlleux pour voyager. Manon Barbeau décide alors d’agir pour ces nations trop souvent oubliées et en l’honneur de Wapikoni Awashish, elle crée un studio mobile de création audiovisuelle agissant aussi comme lieu de rassemblement et d’intervention pour la jeunesse des Premières Nations. Aujourd’hui,  89 communautés de 27 nations différentes y participent, dont 14 au Canada et 13 à l’étranger.

Création et implication

« Ça a sauvé la vie de tellement de jeunes, ça je le sais. J’en vois année après année qui se font découvrir grâce à Wapikoni », raconte Samian lors de la conférence de presse sur la rétrospection de Wapikoni. Rappeur de la première nation Abitibiwinni, il est un des premiers à avoir participé aux ateliers de l’organisme il y a 15 ans. 

Les obstacles et les mauvaises conditions de vie dans les communautés autochtones sont multiples ; problèmes d’alcool et de drogues, suicides et manque de ressources et d’encadrement social. De l’enfance à l’âge adulte, les jeunes sont durement touché(e)s par l’isolement et le manque d’opportunités. 

En créant des possibilités et en favorisant une méthodologie axée sur la pratique et l’apprentissage, le Wapikoni a pour objectif « d’inspirer et de créer un sentiment d’appartenance ». 

« La jeunesse autochtone, cʼest l’avenir et ils doivent croire en leur capacité de contribuer à la société et de donner leur point de vue », explique Odile Joannette, Innue de Pessamit et nouvelle directrice générale de l’organisme. « Wapikoni leur offre les moyens et les outils. »

Le but de Wapikoni Mobile est de soutenir l’émergence des talents autochtones avec des ateliers gratuits. « On voyait que c’était important d’embarquer dans ce genre de projet là pour mettre en valeur nos communautés qui ont souvent une histoire orale, et de les amener à entrer dans l’ère numérique pour qu’on puisse partager nos atsokan, nos légendes  », a expliqué Jimmy Papatie, ancien chef de Kitcisakik lors de la présentation des courts métrages au Festival du nouveau cinéma. L’initiative aiderait à « faire avancer l’intérêt des Premières Nations et poser les vraies questions aux gens qui regardent ces films-là ».

Changements et évolution

Depuis sa création, l’organisme a grandi rapidement et efficacement. Wapikoni mobile a ajouté deux roulottes sur la route, passant d’un studio de son dans une douche à des équipements à la fine pointe de la technologie. Il a acquis un programme de diffusion en se déplaçant à vélo et en motoneige pour permettre le visionnement des films, même dans les territoires les plus éloignés. Le résultat de ces ateliers, c’est 70 courts métrages et 30 enregistrements musicaux créés chaque année et jusqu’à 500 personnes y participant. Ces oeuvres ont reçu 170 prix et mentions dans les festivals à travers le monde.

Pour la vision à l’internationale, la sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne a entrepris d’aider Manon Barbeau à acquérir un sceau essentiel de la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO). « L’UNESCO c’est une grosse machine, ça prend du temps, alors Manon et moi on s’est promené dans les couloirs pendant quelques mois et finalement Wapikoni a obtenu ce statut qui a sans doute aidé énormément pour l’international », raconte la sénatrice. 

Le Chili, la Hongrie, la Palestine et la Jordanie font maintenant partie des pays ayant aussi profité des ateliers de création audiovisuels. L’équipe du Wapikoni a également été mandatée par la CCUNESCO pour rédiger un guide pédagogique autochtone qui sera éventuellement utilisé dans 87 écoles du Canada. De plus, l’Organisation des Nations Unies profite de la visite annuelle d’un groupe de cinéastes amateurs et amatrices pour discuter lors de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies.

École alternative de cinéma, le Wapikoni mobile use de méthodes d’apprentissage différentes pour approcher les jeunes et créer des résultats qui rendent fière une génération qui manque d’accès aux services essentiels au sein de leur communauté. Le projet a intéressé des compagnies telles que Netflix qui, depuis cette année, s’associe avec le Wapikoni mobile pour offrir des stages et des programmes de cours intensifs en scénarisation. « Je crois vraiment que s’il n’y avait pas une initiative comme Wapikoni, il y aurait plusieurs artistes autochtones qui aujourd’hui, n’auraient pas l’occasion de se faire entendre dans le milieu », explique la directrice générale, Odile Joannette. 

photo: MATHIEU BUZZETTI MELANÇON

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