Le rapport spécial du GIEC a soufflé sa première bougie

Il y a un peu plus qu’un an, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) déposait son rapport sur les conséquences d’un réchauffement climatique de 1,5 %. Les militants et les militantes du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) ont souligné l’événement en bloquant le pont Jacques-Cartier et en occupant l’intersection des rues René-Lévesque et Mansfield, pour protester contre l’inaction gouvernementale.

Le rapport publié le 8 octobre 2018 conclut que si la température augmente de plus de 1,5 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle, il y aurait de graves répercussions, dont une réduction de la biodiversité et des catastrophes climatiques plus fréquentes. Pour éviter le pire, il serait nécessaire de diminuer les émissions de carbone de 45 % d’ici 2030 pour atteindre la carboneutralité en 2050. 

Le professeur Francesco Pausata, du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, explique cet effet domino par la fonte des glaciers. La glace, explique-t-il, tant qu’elle existe, a un fort taux de réflexion des radiations solaires dans l’espace. : Il ajoute qu’avec la fonte du pergélisol, qui renferme de grandes quantités de méthane et de gaz carbonique, « l’accroissement de la température sera beaucoup plus rapide ».

Rébellion contre l’inaction

Sous haute surveillance policière, le « surprise party » organisé par XR était tout d’abord festif; les participants et les participantes portaient des chapeaux de fête, mangeaient du gâteau et dansaient dans la rue au son des musiciens et des musiciennes présent(e)s sur les lieux.

À la fin de la soirée, 41 personnes se sont fait arrêter pour entrave après s’être couchées dans la rue, action que le mouvement a baptisée un « die-in ». Celles-ci s’ajoutent aux trois militantes et militants arrêté(e)s le matin même pour avoir escaladé le pont Jacques-Cartier. Un agent du Service de police de la Ville de Montréal présent sur les lieux, Yves Desjardins, précise que les agents et agentes de la paix ne sont « pas là pour nuire, pas là pour aider, [mais] là pour la sécurité ». Il ajoute que XR n’est pas connu pour être un mouvement agressif. Certaines personnes ont quand même exprimé de la douleur lors de leur arrestation, alors qu’on leur tordait les poignets et le cou.

Pour le co-coordinateur de l’événement Simon Bertrand, la désobéissance civile non-violente est un dernier recours. « Ça fait 30 ans qu’on fait des pétitions, qu’on essaie de parler à nos ministres, qu’on remplit des tracts, qu’on donne des dépliants, qu’on sensibilise les gens, dit-il. Ça fait 30 ans qu’on fait ça, ça fait 30 ans qu’on marche aussi. »

Selon lui, les gouvernements n’en font toujours pas assez pour répondre au problème. « On a notre très cher [Justin] Trudeau qui déclare une urgence climatique un mardi, puis un mercredi décide de dire go pour le pipeline Trans Mountain. [François] Legault, de son côté, veut nous vendre un troisième lien à Québec et son usine de liquéfaction de gaz naturel GNL comme des projets verts. Quelle insulte! »

Zéro émission pour 2025?

Extinction Rebellion a une demande plus ambitieuse que celle du GIEC: que la neutralité carbone soit atteinte en 2025.

Porte-parole de la branche québécoise, Catherine Bouchard-Tremblay pense que cela nécessiterait « des efforts de guerre » équivalant à ceux de la Deuxième Guerre mondiale. Pour elle, il n’y a « aucune plateforme [électorale fédérale] qui propose quelque chose de suffisant pour répondre à l’urgence climatique. »

Selon le professeur retraité de l’université de Carleton, spécialiste des changements climatiques et ancien collaborateur du GIEC,  John Stone, cette demande est « ridicule ». 

« Ce n’est pas ce que le GIEC dit. C’est un peu extrême. Si ce n’est pas crédible, les gens n’y feront pas attention, avance-t-il. On ne peut pas changer le système de transport d’un jour à l’autre. Il y a une limite à ce qu’on peut faire. » Il ajoute qu’il est vrai que le gouvernement canadien ne fait pas le nécessaire pour atteindre les objectifs du rapport, mais dit garder espoir pour l’avenir, à condition que nous voyions plus grand.

Le professeur Pausata pense au contraire que l’objectif de XR est nécessaire. « Si vous voulez atteindre la réduction [d’environ] 50 % en 2030, cela veut dire que les pays développés devraient en fait se rendre à zéro émission pour 2030 », car ceux en développement n’en seront pas capables. 

Steven Guilbeault, député libéral fédéral et fondateur d’Équiterre, affirme que son parti a rempli « le trois quarts des objectifs de [l’Accord de] Paris », soit une réduction de 30 % des émissions de carbone par rapport à 2005, tout en admettant que cela n’est « pas suffisant ». 

Cette affirmation est contestée par le professeur Stone, qui l’interprète plutôt comme une promesse d’atteindre 75 % à terme. Selon les données de Radio-Canada, entre 2005 et 2017, seulement 2 % de réduction des gaz à effet de serre auraient été observés au Canada.

photo: WILLIAM DAVIGNON MONTRÉAL CAMPUS

Commentaires

Une réponse à “Le rapport spécial du GIEC a soufflé sa première bougie”

  1. 1.5 degré par rapport aux niveaux préindustriels.

    Pas « 1.5% ».

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