Camille Robert : militer pour mieux étudier

Militante, étudiante, féministe, enseignante, autrice, titulaire de la Bourse d’études supérieures du Canada Vanier : la candidate au doctorat en histoire à l’UQAM Camille Robert revêt ses nombreux chapeaux avec équilibre pour se pencher sur l’histoire des femmes.

En 2009, Camille Robert commence à étudier l’histoire à l’UQAM. Elle termine son baccalauréat en 2012 et entame sa maîtrise l’année suivante. Son mémoire, « Toutes les femmes sont d’abord ménagères »: discours et mobilisations des féministes québécoises autour du travail ménager (1968-1985), obtient la mention « excellent » et remporte le Prix Claude-Corbo en études québécoises ainsi que le Prix du livre politique de l’Assemblée nationale du Québec pour le meilleur mémoire de maîtrise. Après avoir commencé, puis quitté, un programme court en pédagogie de l’enseignement supérieur, elle amorce son doctorat en 2017 sous la supervision du professeur d’histoire à l’UQAM Martin Petitclerc, qui a également supervisé sa maîtrise.

Tout au long de ses études, son implication sociale et étudiante prendra une part importante de son temps. « Pour moi, ça a toujours été important parce que je trouve qu’il faut rester connecté(e)s et conscients et conscientes du monde dans lequel on vit », laisse savoir la candidate au doctorat. Pour celle qui s’est notamment impliquée au sein de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines, de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante et du Syndicat des étudiants et étudiantes employé-e-s de l’UQAM, il importe de rester au courant des mobilisations en cours et de faire de son possible pour y contribuer, afin de réellement participer à transformer le monde.

C’est d’ailleurs en partie pour cette raison qu’elle a décidé de s’intéresser aux grèves des femmes salariées dans les années 1980, dans le contexte de la montée du néolibéralisme québécois, pour son sujet de thèse. « On est encore dans cette période-là de notre histoire, explique-t-elle. Peu de travaux en histoire se sont intéressés à la transition au néolibéralisme et à ce que cela signifiait. »

Selon Camille Robert, les recherches portant sur les mouvements sociaux ont autant des retombées sur l’histoire qu’elles en ont pour les personnes impliquées. « Je trouve que, quand on est capables de partager cette histoire-là, les gens font des connexions entre les luttes passées et les luttes plus actuelles et voient d’où certains phénomènes viennent », remarque-t-elle.

La « fétichisation » de l’objectivité

Si certaines personnes pourraient voir dans l’engagement de l’étudiante un manquement à l’objectivité historique, son directeur de thèse, Martin Petitclerc, rejette cette idée d’un revers de main. « L’important, c’est de faire des recherches qui soient rigoureuses, et ses recherches sont rigoureuses. C’est sûr que, si ses recherches étaient de la pure idéologie, ça ne fonctionnerait pas », fait-il savoir. Selon lui, l’expérience de Camille Robert « lui permet de poser des questions originales sur le passé québécois ».

Pour la chercheuse, « les prétentions à l’objectivité masquent souvent un parti pris ». « Dans la société dans laquelle on vit, on ne peut pas être des personnes neutres : dire que tu ne prends pas parti, c’est dire que tu prends le parti du statu quo », avance-t-elle.

L’historienne a pour sa part trouvé la manière de concilier histoire et engagement en lisant Pas d’histoire, les femmes! Réflexions d’une historienne indignée, un livre de Micheline Dumont révélant ses prises de position… en tant qu’historienne.

Micheline Dumont, comme bon nombre d’historiennes qu’admire Camille Robert, a travaillé à faire connaître la pensée féministe et à faire sortir de l’ombre l’histoire des femmes. Elle mentionne également Andrée Lévesque, Denyse Baillargeon et Louise Toupin, avec qui elle a collaboré à l’élaboration de Travail invisible : portraits d’une lutte féministe inachevée, un recueil de textes paru en 2018 aux Éditions du remue-ménage.

« Une comète »

La militante et politologue Louise Toupin dit avoir beaucoup aimé travailler avec Camille Robert, qui l’a d’abord contactée pour ses recherches de mémoire et lui a ensuite proposé de produire le recueil de texte. « Nous étions sur la même longueur d’onde malgré le nombre d’années qui nous séparentーplus d’une génération! Il me plaît de penser que par-delà cette distance elle peut être, quelque part, ma fille spirituelle… et je ne peux que m’en réjouir », fait savoir Mme Toupin.

Décrivant l’étudiante comme « une comète », la chercheuse souligne l’efficacité avec laquelle celle-ci travaille. « Débuté au début de l’été 2017, notre livre sortait des presses avec ses douze chapitres en septembre 2018 », raconte-t-elle.

Louise Toupin n’est pas la seule à lancer des fleurs à l’historienne. Selon Martin Petitclerc, Camille Robert est une chercheuse respectée, qui est capable de s’adapter à tout public. « Elle a vraiment un don aussi pour la vulgarisation, ce qui explique sa capacité à s’adresser à plusieurs groupes », souligne-t-il.

Sa capacité à mobiliser les gens pour mener à bien un projet, son ouverture d’esprit et son dynamisme font de Camille Robert une personne engagée et engageante, selon l’historien. « Elle va apporter une belle contribution à notre compréhension de l’histoire, notamment l’histoire sociale du Québec », estime-t-il.

photo : LINA HECKENAST MONTRÉAL CAMPUS

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