Libérer l’érotisme à travers la BD

Frapper l’imaginaire par l’image et le texte est l’un des objectifs de la bande dessinée (BD) pour adulte, qui émerge de l’érotisme dans l’art graphique. Cette littérature possède la liberté de représenter des personnages dans des situations coquines et de susciter des discussions sur la sexualité.

Dans le monde de la BD pour adulte, deux réseaux fonctionnent en parallèle, explique le professeur d’études littéraires à l’UQAM Antonio Dominguez Leiva. L’érotisme dans une œuvre est validé par la critique, tandis que plusieurs considèrent la pornographie comme étant hors des limites socialement acceptables, ajoute-t-il.

Bouleverser les notions de pudeur et d’érotisme par la bande dessinée, c’est le gage de l’auteur français Jean-Louis Tripp, qui expose dans son récit autobiographique Extases une vision honnête de sa vie sexuelle, des années 1970 à aujourd’hui. L’inspiration de Jean-Louis Tripp lui a valu d’écrire une œuvre illustrée de 270 pages, ce qui n’en fait pas une œuvre sans queue ni tête.

Son livre s’assume d’abord et avant tout comme une « œuvre politique », proposant une réflexion sur la censure d’extrême droite, tout en restant léger et humoristique, explique-t-il.

L’historienne de l’art Julie Lavigne constate la liberté qu’offre le médium qu’est la BD. « Contrairement à un film, [la BD] n’implique pas de corps réels. C’est une mise en image qui permet d’aller plus loin dans l’imaginaire du fantasme », souligne Mme Lavigne.

Les codes graphiques de la bande dessinée, tels que les couleurs, les motifs, les polices de caractères, l’angle des prises de vue, l’agencement des détails ou la texture permettent une narration évocatrice de l’érotisme, partage Jean-Louis Tripp. Selon lui, Extases sert de support de réflexion sur les pulsions sexuelles. « Le corps est, à tort, un objet de plaisir », dénonce l’auteur sexagénaire.

L’étiquette porno

La distinction entre l’œuvre érotique et pornographique n’est pas nécessaire, fait valoir Julie Lavigne, également professeure au Département de sexologie de l’UQAM. Puisque la deuxième catégorie répond à des critères plus spécifiques, d’associer une œuvre à celle-ci peut mener à sa censure, indique-t-elle.

Les bandes dessinées ont l’avantage de mettre à contribution deux intermédiaires qui mobilisent l’imaginaire, soit le texte et l’image, explique Antonio Dominguez Leiva. Dès les premiers comic strips dans les quotidiens américains du XIXe siècle, des adaptations érotiques apparaissent. Il en va de même pour les bandes dessinées francophones, ajoute-t-il.

Depuis les années 1920, pendant la première révolution sexuelle, des critiques s’intéressent à l’expression pictographique accompagnée de texte, raconte M. Dominguez Leiva. Souvent désignée comme le « neuvième art », la bande dessinée connaît son « âge d’or » pendant les années 1960, alors que des artistes intellectuel(le)s de la contre-culture s’engagent entre autres dans l’art de la BD érotique, poursuit-il.

Jean-Louis Tripp tient à spécifier l’importance du commun accord en termes de liberté sexuelle. « Dès qu’il y a une relation de consentement entre deux adultes, qui suis-je pour juger ? », tranche l’artiste. « Faites ce que vous voulez, et ne faites pas “chier” les autres », avise-t-il avec humour.

photo: CAMILLE FOISY MONTRÉAL CAMPUS

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