L’engrenage bien huilé de « La machine Tchekhov »

Entre un hommage à l’auteur Tchekhov et un questionnement sur la création théâtrale, les finissants de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM présentent La machine Tchekhov qui propose un regard original sur le texte de Matéi Visniec, sans pour autant réinventer les codes du théâtre.

Plongée dans la pénombre du petit Studio-d’essai Claude-Gauvreau à l’UQAM, la soixantaine de spectateurs bien entassée sursaute à l’unisson au son d’un coup de fusil. Au milieu de la scène, un personnage réagit de même en se réveillant brusquement : Anton Tchekhov.

Le célèbre auteur russe sera au cœur de la pièce durant laquelle les personnages de ses œuvres Ivanov, Oncle Vania, La Mouette, Les Trois Sœurs et La Cerisaie graviteront autour de lui dans un rythme dynamique, en plus de s’aborder dans différents tableaux.

Un damier couvre tout le parterre du théâtre, occupant efficacement l’espace, un peu comme si Irina, Macha et tous les autres protagonistes n’allaient être que des pions dans le grand jeu de l’univers tourbillonnant de Tchekhov.

Réputé pour la noirceur de ses histoires et le destin difficile de ses personnages, l’auteur russe a la chance de s’exprimer sur sa création en tant que protagoniste qui interagit avec ceux qu’il a créés. Le choix de l’œuvre, écrite par le roumain Matéi Visniec, est judicieux, d’autant plus que la pièce fait suite à une autre œuvre de Tchekhov, La Cerisaie, jouée la semaine dernière à l’UQAM.

Atteint de la tuberculose, Tchekhov se meurt à petit feu, ce qui semble donner de plus en plus d’énergie à tous les protagonistes. Pendant que l’auteur est sur son lit de mort, Astrov et ses compatriotes n’hésitent pas à argumenter sur son talent d’écrivain. « Il est le moins grand dans la famille des grands », lance l’un d’eux.

Tous les personnages qui avaient tenu des discours froids et sérieux sombrent soudainement dans une joie presque irréelle au milieu de la pièce. L’utilisation de l’espace et les déplacements des personnes sont à l’image de cette folie soudaine.

Au son de My Sweet Lord de George Harisson, les personnages se déhanchent dans un décalage temporel tout à fait pertinent. Même Anfissa, la vieille nourrice dans Les Trois Sœurs, fait partie de la danse.

Au-delà de l’âme

Au deuxième étage du studio, des cadres sont accrochés et les décors restent sobres tout en étant efficaces puisque l’espace sert plutôt de déambulatoire pour les « personnages fantômes ». Petite lumière à la main, ils se déplacent en créant un effet mystérieux : une sorte de réflexion sur la place qu’ils occupent dans la pièce. En restant ainsi sur scène, même les personnages les moins influents semblent vouloir clamer leur importance.

Le début de l’histoire, quoiqu’un peu lent, reflète de façon rigoureuse l’univers de Tchekhov en plus d’y ajouter un brin d’originalité de la part du metteur en scène, Denis Lavalou. Il s’est permis de légers ajouts de répliques bien placées au texte original de Matéi Visniec. « Il y a eu un petit montage qui est à la fois, je pense, respectueux de Tchekhov et de Visniec, parce qu’il n’y a pas un mot de moi là-dedans », confie celui qui est un des metteurs en scène invités à l’UQAM pour la saison 2018-2019.

Si le budget plutôt restreint de 2000 $ justifie que certains éléments du décor soient assez modestes, il n’explique cependant pas les nombreuses erreurs de la régie, plus particulièrement dans la précision du synchronisme sonore.

Même si cet élément relève du détail technique, il créait un manque de réalisme flagrant faisant décrocher le spectateur durant quelques instants. Lorsque le personnage de Firs décide d’allumer un feu dans l’espoir de réchauffer Tchekhov, par exemple, le bruit du feu survient quelques secondes en retard.

La machine Tchekhov, bien qu’elle ne réinvente pas la roue, a été bien rodée. Les représentations se poursuivent jusqu’au 8 décembre au Studio-d’essai Claude-Gauvreau de l’UQAM.

photo : PATRICE TREMBLAY

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