Youngnesse ou la désillusion de la jeunesse

Lundi soir avait lieu la première de Youngnesse, le spectacle du collectif montréalais projets hybris, où neuf artistes engagés ont abordé ce qu’ils considèrent comme des échecs de revendications politiques, tels que la grève de 2012.

Le metteur en scène de la pièce, Philippe Dumaine, a notamment mis en valeur le rôle que les grèves de 2012 ont eu au Québec, leur apport étant subtil bien que toujours présent. Dans une petite salle du théâtre La Chapelle, le collectif tente d’évoquer l’espoir d’un avenir plus brillant face à une société oppressée qu’ils dénoncent. L’idée de jeunesse politique s’inscrit très tôt en tant que thématique phare de la pièce.

Professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM, Patrick Forget conçoit que cet événement historique a marqué le parcours de certaines personnes, tel que celui de Gabriel Nadeau-Dubois. Le co-porte-parole de Québec solidaire s’est dirigé en politique après avoir été un des leaders du printemps érable.

M. Forget, qui a signé le mémoire Analyse des limites du juridique sur les manifestations pacifiques, n’est pas optimiste pour les prochaines luttes étudiantes. Il doute qu’une «autre revendication ou décision politique toucherait les étudiants et pourrait être […] à l’origine d’une mobilisation aussi importante », croit-il.

Patrick Forget et Philippe Dumaine s’entendent toutefois pour dire qu’il faut repenser les manières de faire valoir ses opinions en ce qui a trait aux mouvements de revendication. Pour le professeur, les injonctions et la loi spéciale de 2012 qui signifiait le retour en classes des étudiants sont des précédents faciles à rétablir. « Ces verrous sont en place pour faire taire », déplore M. Forget.

Nelly Desmarais, qui assistait à la première de Youngnesse, se sentait quant à elle prête à descendre dans les rues après le spectacle. « [Ça] réveillait cette colère collective qui est là individuellement, mais qu’on a besoin de se rappeler collectivement », souligne-t-elle.

Spectacle atypique

Les performeurs, tous spécialisés dans une discipline unique, mélangent à la fois la musique, le théâtre, la performance, les arts visuels et la danse avec une perspective queer et féministe. Ils laissent parfois cours à de petites maladresses tel un musicien bégayant de la poésie.

« Ce ne sont pas des erreurs, ajoute Philippe Dumaine. Ce qu’on veut [montrer aux] gens, [ce sont] ces moments de maladresse [et] de déstabilisation, bien plus que ces moments de grâce. » Ces instants visent à révéler les sentiments confus d’une jeunesse politique animée par ces revendications.

L’expérience abstraite vécue par les spectateurs s’éloigne de la pièce de théâtre traditionnelle. Youngnesse se démarque par la surcharge : des couleurs extrêmement saturées, une scène remplie d’objets divers tels que des cartons et des costumes et neuf artistes présents sur la scène en tout temps.

« [En tant que spectateur], il faut faire des choix et accepter qu’on ne va pas comprendre tout ça, mais plutôt le vivre », explique Philippe Dumaine.

photo: KEVEN LEE

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *