Et si les étudiants pouvaient magasiner leur cannabis entre leurs cours ? La Société québécoise du cannabis (SQDC) s’installera tout près de la station de métro Berri-UQAM, à l’intersection des rues Saint-Denis et Sainte-Catherine, pour diminuer la discrimination envers les consommateurs, selon des experts.
Le choix de cet emplacement particulier a pour but de desservir des lieux de consommation existants, et non d’en créer des nouveaux, selon le professeur en psychologie à l’Université de Montréal Jean-Sébastien Fallu.
« Jeunes de la rue, étudiants, touristes, fêtards : dans ce secteur-là, ce sont des gens qui font partie de la clientèle de consommation », observe le spécialiste en toxicomanie, qui a également fait partie d’un comité consultatif sur la légalisation du cannabis de la Ville de Montréal en novembre 2017.
Au centre d’injection supervisée Cactus Montréal, qui a également pris part aux travaux du comité et qui se situe à deux pas de l’UQAM, le mot d’ordre est l’accès universel.
« Pour nous, l’objectif, c’est que la succursale soit le plus accessible possible en termes de transport en commun, mais aussi à l’ensemble des populations qui ont le centre-ville comme milieu de vie et qui donc peuvent vivre dans des situations de précarité », lance la directrice générale de l’organisme, Sandhia Vadlamudy.
Dans un « quartier très diversifié », l’offre doit être satisfaisante pour tous, selon Mme Vadlamudy, mais aussi adaptée aux personnes en situation précaire.
« Notre préoccupation, en tant que groupe travaillant à la réduction des méfaits, dit-elle, c’est de voir à ce que la légalisation fasse en sorte de diminuer la discrimination et la stigmatisation, et rende le produit accessible tout en étant contrôlé. Il y a des objectifs de prévention derrière ça »
Combat des marchés
L’emplacement de la succursale ainsi que les prix seront primordiaux dans le combat du marché légal contre la vente sur la rue, explique Mme Vadlamudy. Elle invite d’ailleurs la SQDC à ajouter des succursales à Montréal, au-delà des quatre déjà prévues.
Fallu fait entendre le même son de cloche. « [La place] Émilie-Gamelin, Berri-UQAM, ce sont des lieux de vente et d’accès au cannabis pour plein de personnes, analyse-t-il. Le marché légal, s’il veut remplacer le marché illégal, il faut quand même qu’il se rapproche et corresponde au marché [actuel] et à la clientèle. »
L’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) doute que ces consommateurs feront confiance au système légal immédiatement, considérant le niveau d’implantation actuel du marché noir dans le quartier.
« Ça ne se fera probablement pas au départ, souligne la chargée de dossiers en matière de toxicomanie à l’ASPQ Émilie Dansereau-Trahan. On s’attend à ce que ça prenne du temps, comme ça a été le cas au Colorado. »
Quand cannabis rime avec injustice
Plus tôt cette année, le chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal, Lionel Perez, a proposé d’interdire la consommation de cannabis dans l’espace public.
Il s’agit là d’une mauvaise idée, selon Jean-Sébastien Fallu. Une telle mesure irait à l’encontre de l’objectif de la légalisation, selon lui, particulièrement chez les acheteurs potentiels fréquentant le quartier universitaire.
« Si on ne peut pas le consommer chez soi, si on ne peut pas le consommer dans les bars, on ne peut le consommer nulle part ! », explique M. Fallu. L’application d’une telle loi ne réglerait pas les problèmes d’injustice que la prohibition cause actuellement, ajoute-t-il.
Le Montréal Campus a tenté de contacter la SQDC, mais celle-ci n’a pas voulu commenter avant la confirmation de l’emplacement de la succursale. La Ville de Montréal n’a pas encore donné suite à nos demandes envoyées en août.
La SQDC sera l’unique distributrice de cannabis récréatif de la province et débutera ses activités le 17 octobre prochain, lorsqu’entrera en vigueur la loi fédérale concernant la légalisation du cannabis.
La société d’État a déjà signé en juillet un bail à la Plaza Saint-Hubert, à 400 mètres de la station Jean-Talon. Les adresses des autres succursales seront dévoilées lors de la signature de leurs baux respectifs.
photo: MÒRAG BÉLISLE MONTRÉAL CAMPUS
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