24 heures de montagnes russes

Dans une ambiance musicale enivrante et colorée, Kristina Wagenbauer livre le récit poignant Sashinka, un hymne aux relations mère-fille complexes. La réalisatrice propose deux personnages forts qui se distinguent par leur fragilité et leurs tourmentes, sans tomber dans l’excès ou dans un discours moralisateur.

Sasha (Carla Turcotte) voit son quotidien bousculé par l’arrivée de sa mère, Elena (Natalia Dontcheva), une femme débridée, qui s’immisce sans avertissement dans sa vie à la veille d’un moment crucial pour sa carrière. La chanteuse devra jongler avec les excès de sa mère, son trouble alimentaire et son manque de confiance en elle. Les deux femmes tentent, durant leurs courtes retrouvailles, de faire face à leurs tendances autodestructrices et de trouver l’harmonie dans un chaos inévitable.

En partie autobiographique, la comédie dramatique de Kristina Wagenbauer fait vivre une montagne russe d’émotions. Dans son premier long-métrage, la réalisatrice titulaire d’un certificat en scénarisation cinématographique de l’UQAM en 2015 a su chorégraphier avec précision les moments de joie abruptement remplacés par des déceptions. Que ce soit lors d’une discussion calme ou d’un moment musical attendrissant entre les deux femmes, la joie semble souvent éphémère et se brise lorsqu’un geste maladroit ou une parole fautive se heurte brusquement à leur relation.

Tirade familiale

Carla Turcotte, qui s’est fait connaître plus récemment avec son rôle de Laurence dans Sarah préfère la course et Morgane dans District 31, transmet avec justesse la douleur qu’éprouve son personnage au moment de trancher entre deux options insatisfaisantes. Sasha doit choisir entre garder sa mère à ses côtés malgré son déséquilibre mental ou la rayer de sa vie même si elle lui porte un amour inconditionnel. Le jeu précis et émotif de l’actrice vient alors témoigner d’une sensibilité fragile et ébranlée par le passé familial de son personnage.

De son côté, Natalia Dontcheva perce l’écran avec un personnage loufoque. Malgré ses esclandres en public, sa surconsommation d’alcool et sa prédisposition à tout briser sur son passage, il semble impossible de détester cette mère qui ne souhaite que le bonheur de sa fille.

Bien que son personnage Elena s’y prenne mal, il est difficile de rester de glace devant tous ces gestes qui émanent d’un amour maladroit. Immature, manipulatrice et égocentrique, la mère imparfaite d’origine russe réussit à convaincre l’auditoire de ses bonnes intentions grâce à l’authenticité du jeu de son interprète.

Faire vivre la musique

La musique originale composée par Jean-Sébastien Williams ainsi que la conception sonore de Luc Boucher affectent aussi la profondeur du drame dès les premiers instants. Les compositions de Sasha permettent d’ailleurs de transposer directement son bonheur, sa détresse et ses insécurités par la musique. Le contraste entre la douceur de la musique et la dureté de la réalité que vivent les deux protagonistes donne du caractère à chaque bouleversement qu’elles vivent. L’effet musical vient presque à en créer un personnage qui accompagne les deux femmes tout au long de leur parcours et qui semble les aider à définir leur relation.

Des sonorités travaillées aux ambiances plus épurées, la gamme d’émotions abordée est vaste, mais chaque note semble avoir été soigneusement placée pour transmettre cette poésie sentimentale en douceur au spectateur.

Kristina Wagenbauer réussit à rendre captivantes les flammèches causées par les deux femmes qui se croient si différentes l’une de l’autre. Si la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre, rien ne garantit que la première croquée en sera moins amère.

Sashinka est en salle dès le 24 août au cinéma Beaubien, à Montréal.

photo fournie par Funfilm Distribution

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