Transformer l’horreur en beauté

Certains réalisateurs parviennent à trouver une esthétique cinématographique alléchante dans l’horreur et le « gore », un credo intimement exploité au festival montréalais de courts métrages SPASM, qui accueille depuis 2014 une section de films portant sur le sexe.

« J’avais l’idée de quelqu’un qui se détériorait physiquement au-dessus de quelqu’un d’autre pendant l’acte », explique la réalisatrice Amelia Moses, rencontrée après la projection de son film Undress Me au Théâtre Plaza. Elle a construit l’arc narratif de son film à partir de cette idée, qui est devenue la scène finale du film. « Je trouvais la combinaison de la chair fraîche et du sexe vraiment intéressante », souligne-t-elle.

Bien que ça ne soit pas le cas de tous les films d’horreur, « beaucoup […] n’essaient pas d’être réalistes », explique Mme Moses, qui a vu son film présenté dans la section des Inclassables du festival.

D’après elle, les films diffusés au festival SPASM, qui s’est tenu du 19 au 28 octobre dernier, tentent plutôt de rejoindre l’imaginaire des spectateurs. Tout comme dans les films dont le sexe est le sujet principal, « les films d’horreur favorisent l’impressionnisme aux dépens du réalisme », selon la réalisatrice.

Dans l’esprit du réalisateur Tim Egan, la peur suscitée dans les films d’horreur est attirante parce que « c’est une chose que nous pouvons tous comprendre, explique-t-il. Partager nos peurs nous amène un certain confort. »

Symbiose entre sexe et horreur

Depuis 2014, SPASM présente la « Soirée sexe », qui a diversifié l’offre des films d’horreur habituellement présentés au festival. À l’occasion de cette soirée, des courts métrages grivois, sensuels et inquiétants se côtoient.

Le directeur général du SPASM, Jarrett Mann, explique que le volet sexe du festival a été ajouté parce que les organisateurs recevaient de plus en plus de films sur le sujet. Il était donc primordial de leur faire une place. « Le festival a toujours évolué en fonction de ce qu’on reçoit », rappelle M. Mann. Selon lui, la sexualité et l’horreur se combinent bien, car ils suscitent le même émoi chez le spectateur.

Le réalisateur Paul Lazar, qui a aussi choisi de faire un film portant sur les relations sexuelles intitulé Screw Me and Leave, y analyse les liens entre les jeunes adultes et les applications de rencontre. « Je fais partie d’une génération dans laquelle on ne peut ignorer l’aspect accessible de la chose, c’est donc un sujet que je voulais aborder », lance-t-il.

Amelia Moses, elle, est attirée par l’idée de scénariser le sexe à la manière de l’horreur, de façon plus intense et quelque peu inquiétante, et tente d’exprimer en quoi l’attirance sexuelle et la répulsion provoquée par l’horreur vont main dans la main. « Voilà pourquoi cela a du sens d’avoir un festival accueillant ces deux aspects », intervient Jarrett Mann.

Le festival de l’inusité

Initialement, le festival n’était qu’une fête d’Halloween organisée par Jarrett Mann, alors étudiant en cinéma à l’Université de Montréal. Son programme d’études était, selon le cofondateur du festival, assez « stiff, sérieux et conservateur » et les films de genre y étaient boudés. « C’est là que je me suis dit que je devrais faire un festival de courts métrages d’horreur en prenant l’énergie du party d’Halloween, raconte-t-il. C’était un peu pour faire un gros fuck you à l’establishment. »

« Les deux sujets peuvent présenter un rapprochement puisqu’ils ont un contenu qui est assez viscéral et souvent graphique. Ils illustrent également une certaine vulnérabilité humaine, explique Paul Lazar. Undress Me [d’Amelia Moses] m’a beaucoup fait penser au long-métrage It Follows de David Robert Mitchell. Il y a dans les deux films cette association d’idées entre un acte sexuel et une forme de détérioration. »

 

photo: FESTIVAL SPASM

Extrait visuel du court métrage Be my first de Philippe McKie 

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *