« La révolution n’est pas une recette de Ricardo »

Loin d’être l’humoriste fâché que lui reprochent certains médias, Fred Dubé rectifie: il ne s’agit pas de colère, mais bien de révolte, et c’est de ce sentiment que naît son humour intelligent et incisif.

Rencontré au bar Le Département où il anime chaque semaine la soirée d’humour Merci la vie! pour une deuxième année consécutive, il surprend par son calme, teinté d’une pointe de timidité. Contraste frappant avec l’homme qui, sur scène, s’attaque sans compromis au capitalisme sauvage, à la colonisation du territoire et des esprits ainsi qu’à tout ce qui enflamme son âme d’anarchiste. « Le pouvoir n’est pas fait pour être conquis, mais détruit », lance-t-il d’emblée, entremêlant sans cesse des bribes de ses chroniques humoristiques au fil de la conversation.

Une lueur moqueuse dans l’œil, il raconte ses balbutiements, lors de son premier spectacle à l’école secondaire, et la critique du professeur de pastoral qui s’était ensuivie. « Il m’avait dit que j’étais irrévérencieux. J’ai cherché dans le dictionnaire et je me suis dit “wow! C’est ce que je veux être pour le restant de ma vie!” », rigole-t-il.

La vocation est donc confirmée pour ce Rimouskois. Diplômé de l’École nationale de l’humour en 2005, Fred Dubé enchaîne six spectacles aux titres évocateurs, tels que Terroriste blanc d’Amérique ou encore L’Ignorance fait plus de victimes que le cancer. Moins rébarbatif, l’humour est pour lui un lubrifiant social qui aide à créer des ponts. Et, en tant qu’artiste, il souhaite ranimer l’utopie révolutionnaire dans le cœur des gens puisque « la révolution n’est pas une recette de Ricardo ».

L’étincelle qui embrase

Son humour n’a pas toujours été des plus politisés, bien qu’il s’agisse maintenant d’un aspect inhérent de sa personne. C’est en toute humilité qu’il avoue ne pas avoir eu les connaissances nécessaires pour le faire en début de carrière. « Même aujourd’hui, c’est un travail de tous les jours », affirme-t-il.

La grève étudiante de 2012 sera pour Fred Dubé une époque charnière. « Je me suis mis à être dans la rue et à pleurer pour des choses politiques et je me disais “Mon Dieu que c’est beau!” J’ai donc voulu essayer de faire perdurer ce sentiment sur scène », se rappelle-t-il.

Pas uniquement sur scène puisqu’il signait aussi, jusqu’en décembre dernier, certaines chroniques assassines à l’émission Plus on est de fous, plus on lit! à la radio de Radio-Canada. N’ayant pas peur de s’attaquer aux intouchables, il a finalement été remercié après un texte virulent mettant en scène les « grands » du pays, comme Molson, Desmarais, Chrétien et compagnie.

Loin de lui l’idée de faire des compromis, encore moins de l’autocensure. « Si je me dis que ce n’est pas bon pour ma carrière, c’est souvent qu’il y a quelque chose d’intéressant là-dedans », admet l’humoriste, un sourire en coin.

Après un silence, Fred Dubé se désole néanmoins de la légèreté de l’espace médiatique. Que ce soit aux Échangistes, où il a tenu le temps de deux émissions, au journal Métro, où il signait une chronique bimensuelle ou à Plus on est de fous, plus on lit!, les patrons martèlent que le ton se doit d’être léger. « Pourquoi ne pas parler de municipalisme libertaire à Deux filles le matin? », réplique-t-il.

C’est un Fred Dubé fébrile qui s’apprête à monter sur la minuscule scène du Département. Parce ce qu’à l’UQAM, contrairement aux bars, le public est intransigeant si les humoristes osent des blagues sexistes, racistes ou homophobes. « Et c’est tant mieux, indique l’animateur. C’est le public de l’UQAM qui devrait être la normalité dans une société saine. »

 

photo: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS

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