Douleurs « encrées » chez les tatoueurs

En passant devant un de ses tatoueurs en plein travail, Oly Anger, propriétaire d’un studio de tatouage, lui conseille de corriger non pas sa technique, mais sa posture. Même si la situation est méconnue auprès de la population, ces artistes souffrent de problèmes physiques sérieux, causés par la pratique de leur art.

À l’heure actuelle, « n’importe quel tatoueur ou tatoueuse qui travaille à temps plein va rencontrer ce type de problème, un jour ou l’autre », raconte le tatoueur Claude Giguère, du Chalet – tattoo shop privé.

Ces problèmes sont principalement dus au canevas utilisé dans leur pratique, soit le corps humain. « Tous ceux qui travaillent sur le corps humain sont obligés de se positionner en fonction de la personne qu’ils sont en train de traiter. Ils ne peuvent pas la placer comme ils le veulent », explique la professeure en ergonomie à l’UQAM, Nicole Vézina. Dans de telles pratiques, le respect de l’autre est également très important, ce qui restreint les techniques possibles.

La posture adoptée par les tatoueurs, qui laisse souvent à désirer, crée des douleurs musculaires importantes chez ceux-ci. « Il y a deux gros problèmes qui arrivent chez les artistes tatoueurs, qui sont à peu près les mêmes que les gens qui sont assis à un bureau. Ces deux types [de douleurs] surviennent souvent dans le bas ou le haut du dos », explique le propriétaire et fondateur de Oly Anger Tattoo. Dans le quotidien d’un artiste tatoueur, ces régions sont particulièrement sollicitées. « Il faut que les régions du cou et du dos soient très stables, pour permettre le travail très fin que font les mains du tatoueur », soutient Mme Vézina.

Lors de l’apparition de blessures de la sorte, les tatoueurs ont de nombreux obstacles à surmonter. Dans un domaine sans marge d’erreur, il est ardu de se concentrer à la fois sur la blessure et sur l’œuvre à exécuter. « Rendu à une étape où tu dois faire en sorte que ta tête soit la plus libre possible pour être créatif dans le domaine artistique, tu ne peux pas, si tu as une douleur, être aussi performant que si tu n’en avais pas », précise Oly Anger.

Certains artistes doivent même arrêter de travailler pendant quelques jours pour reposer leur corps endolori. En prenant une décision de la sorte, le tatoueur s’expose à une précarité financière. « Étant des travailleurs autonomes, c’est une situation difficile pour nous, car pour la plupart, nous n’avons pas de filet ou d’assurance salaire », explique Claude Giguère.

Compenser par le sport

Pour parvenir à guérir adéquatement, les tatoueurs doivent réussir à changer leurs pratiques de travail. Comme ils doivent user à la fois de leur tête et de leur corps, tous deux doivent réapprendre à fonctionner en harmonie. « C’est là que ça devient difficile, d’aller régler les problèmes qui sont davantage un réflexe de l’esprit, avant d’en venir à ce que le corps puisse fonctionner, raconte M. Anger. C’est comme un ordinateur qu’on doit reprogrammer. »

Le rétablissement passe également par l’entraînement physique, qui permet d’aider les articulations défaillantes et de muscler les endroits propices aux blessures. En plus de suivre des séances d’ostéopathie et de chiropratique, Oly Anger pratique régulièrement des sports de combat afin de conserver une bonne forme physique, et de pouvoir ainsi continuer à tatouer encore bien des années. « Je suis, à l’heure actuelle, autant un sportif qu’un artiste tatoueur. Ça fait partie intégrante de ma vie », fait valoir le tatoueur montréalais.

Photo: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS

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