Moins de coordination institutionnelle, plus de catastrophes naturelles

La prévention et la gestion des risques de catastrophes naturelles et industrielles seraient un problème majeur au pays, particulièrement en raison des processus décisionnels lents et le manque de coordination entre les acteurs. Nombre d’entre eux ne se sentiraient pas assez concernés non plus, selon certains spécialistes.

C’est le constat que dressent les experts qui se sont prononcés lors de la cinquième Plate-forme régionale pour la réduction des risques de catastrophes dans les Amériques le mercredi 8 mars. L’idée que la gestion des risques fonctionne à plusieurs échelles est répandue, mais a du mal à s’implanter concrètement. « Tout le monde veut une société plus résiliente dans le domaine de la sécurité civile et pour avoir ce changement de culture, il faut changer notre façon de faire », résume Étienne Boucher, professeur au Département de géographie de l’UQAM et modérateur lors du panel synthèse.

La gestion des risques au Canada est soutenue par de nombreux organismes gouvernementaux, industriels et humanitaires. Pourtant, selon Bernard Motulsky, professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, la gestion des risques est partagée, mais personne ne travaille ensemble. « Pour que des changements culturels se fassent, il faut qu’ils soient portés par une organisation qui est capable de gérer cette préoccupation », affirme celui qui est également titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing.

Mieux vaut prévenir

Le président du Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM), Dimitri Tsingakis, croit pour sa part qu’il faut aussi financer l’information et la science qui doivent encore se développer. L’aspect crucial — mais souvent oublié — de la prévention passerait entre autres par les citoyens. « Il faut impliquer de plus en plus le citoyen dans toutes les différentes instances qui ne sont pas toujours adaptées à lui », soutient Étienne Boucher.

Et ceci ne peut se faire que s’il existe des dialogues objectifs entre les experts et la population. C’est du moins ce que soutient Ursule Boyer-Villemaire, scientifique indépendante. Elle souligne que l’information scientifique doit être à la fois reconnue et crédible tout en étant assez bien vulgarisée pour être bien comprise par tous. La prévention passe par les familles, l’école et les formations universitaires et professionnelles.

Le manque de coordination entre les corps gouvernementaux est également problématique. Au Canada, il n’y a aucune structure ministérielle présente qui le permette ou l’impose, car comparativement à la France, les instances responsables de la sécurité et celle de l’aménagement ne prennent pas des décisions communes alors qu’il le faudrait. C’est ce que souligne Philippe Gachon, professeur au Département de géographie à l’UQAM. « Le palier municipal est le premier à se confronter à la gestion des risques, mais il manque d’expertise et c’est une question de priorité. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial doivent développer la communication verticale et horizontale », ajoute le professeur Étienne Boucher.

Au final, le Canada a pris conscience des risques, mais n’est pas assez prévoyant malgré tous les outils en main. Dimitri Tsingakis confirme que changer les choses en revient à la volonté politique, mais que les citoyens peuvent faire passer le message à leur représentant. « Au niveau industriel, certaines entreprises appliquent correctement les mesures, mais d’autres non et engendrent des mesures imposées et trop prononcées », ajoute-t-il. Par conséquent, « il ne reste qu’à se reposer sur l’idée de compter sur la prochaine génération qui sera une génération plus sensible, mais il faut toutefois commencer à décortiquer dans le temps des objectifs réalistes pour appliquer une bonne gestion des risques, une responsabilité partagée par tous les acteurs », conclut Ursule Boyer-Villemaire.

Photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS

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