La prise de conscience collective des impacts positifs qu’a le design sur les étudiants et l’environnement a orienté de nombreux changements dans la conception architecturale des établissements d’enseignement supérieur au Québec. Sont désormais à l’honneur des espaces plus ouverts, une fenestration abondante et des couleurs vives.
Marc-André Carignan, chroniqueur en développement urbain et en architecture durable pour Radio-Canada et le journal Métro, précise que la fenestration des établissements scolaires est maintenant une priorité dans le design des écoles primaires, mais aussi pour celui des universités et des cégeps. « La luminosité des lieux est primordiale. Il faut ouvrir les bunkers », note-t-il en référence au style austère et à l’éclairage au néon du campus principal de l’UQAM, situé dans le Quartier latin.
« On a compris que la lumière naturelle stimulait psychologiquement en plus d’avoir une influence positive sur les résultats des élèves », ajoute-t-il. Ce dernier s’appuie notamment sur les conclusions d’une étude de l’Université britannique de Salford qui confirme que les résultats scolaires des étudiants du primaire sont intimement liés à leur climat d’apprentissage.
Les chercheurs ont été en mesure de démontrer une « variation de 16 % sur le progrès d’apprentissage pour des classes bien désignées. » Cette étude avait comme échantillon « 153 classes issues de milieux sociaux économiques et géographiques différents » et tenait compte de « facteurs significatifs tels que la lumière naturelle, la température et les choix des couleurs ».
Marc-André Carignan, souligne que les méthodes de construction sont aujourd’hui bien différentes de celles employées lors de la création des universités du réseau de l’Université du Québec à la fin des années 1960.
« C’est certain qu’il y avait des façons de faire à l’époque. On déconstruisait pour reconstruire sans réels soucis pour le patrimoine, et ce, au nom de la modernité », soutient M. Carignan. Ce dernier ajoute que l’édification de nouveaux pavillons universitaires s’effectue aujourd’hui, contrairement à l’époque, en fonction des besoins des étudiants et du corps professoral qui occuperont ces lieux. « L’ajout d’espaces de socialisation et d’espaces technologiques [liés] », par exemple, comble certaines nécessités mentionne-t-il.
Des designs personnalisés
Nicolas Reeves, architecte, designer et enseignant à l’UQAM, dresse le même constat. « Les préoccupations spécifiquement architecturales au Québec sont assez récentes. Pendant un temps, le mot d’ordre était “tant que cela fonctionne et que ça ne coûte pas cher”. Il n’y a pas d’architecture dans cette manière de penser », rétorque l’enseignant en faisant référence aux pavillons Judith-Jasmin et Hubert-Aquin.
C’est tout le contraire pour le pavillon de Design de l’UQAM, érigé de 1994 à 1995. « Ici, nous avons la chance d’avoir un bâtiment qui est très fenestré avec des puits de lumières qui traversent tous les étages », soutient l’architecte qui reconnaît l’apport de son créateur Dan S. Hanganu.
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Nicolas Reeves renchérit sur les conséquences des considérations architecturales dans un contexte urbain. « Il y a toutes sortes de mécanismes qui doivent permettre, en théorie, d’être en équilibre avec son environnement tout en fournissant à ses utilisateurs un environnement adéquat à l’apprentissage », explique le designer.
Pour lui, l’art technologique pourrait incarner ce désir d’adaptation au milieu d’apprentissage et s’accorder parfaitement aux universités. M. Reeves définit ce procédé comme une utilisation des technologies « dans un but poétique et pas nécessairement dans un but fonctionnel ou pratique », et rétorque que ce genre d’œuvres pourrait très bien convenir dans une université « puisque ces installations comportent une composante culturelle vectrice de sens ». Il se réfère à l’œuvre Radicaux libres, de Philippe Jean et du professeur de l’UQAM Jean Dubois, installée à la Grande Bibliothèque où l’on « retrouve un flux continu de lettres affichées sur le sol qui ont tendance à s’agglutiner graduellement aux pieds des spectateurs en formant des groupes de termes tous aussi différents qu’évocateurs. »
Souci de pérennité
L’élaboration de nouveaux espaces au sein d’un campus s’organise aujourd’hui pour combattre certains défis environnementaux. « Il faut aussi être flexible dans l’architecture d’établissements d’enseignement supérieur, lance Marc-André Carignan. Il faut bâtir en fonction des 100 prochaines années en prévoyant les besoins à long terme. Dans un contexte de développement durable, il faut que les établissements publics donnent l’exemple », ajoute-t-il, indiquant que ce type d’installation permet de renforcer le sentiment de fierté et d’appartenance aux lieux d’apprentissage.
Soucieuse de faire cohabiter l’esthétisme et le développement durable, l’Université Sherbrooke a par exemple fait installer un bassin retenant et valorisant l’eau de pluie sur la zone extérieure de son campus principal. Cette réalisation permet de purifier l’eau provenant des rues et des espaces de stationnement, qui peut alors être utilisée pour alimenter les autres étangs de cet espace vert fréquenté par les étudiants.
Nicolas Reeves confirme aussi l’importance de bâtir des espaces universitaires qui tiennent compte du développement durable sans toutefois minimiser l’influence de leur apparition dans l’espace public. « Lorsqu’on insère un bâtiment dans une ville, on modifie le cadre de vie des gens. Il ne faut plus penser à un édifice de façon égocentrique, mais plutôt à un édifice s’intégrant à l’ensemble de la ville des points de vue architectural, social et spatial », poursuit-il.
Des étudiants de l’UQAM en design pourront quant à eux participer prochainement à l’approfondissement de la réflexion sur cet enjeu architectural. Ces derniers devront imaginer un pavillon universitaire en guise de travail de session.
Le professeur croit que ce projet permettra aux étudiants de « réaliser l’immensité des variétés, des réflexions et des solutions possibles » lors de l’élaboration d’un tel édifice.
Photos: GUILLAUME LEVASSEUR
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