Stagiaires précaires

La question de la rémunération du travail étudiant revient à l’avant-plan. Et elle le devrait. Cette question pourrait bien incarner un nouveau point de ralliement pour un mouvement étudiant aux allures désarticulées.

Au moment d’écrire ces lignes, les étudiants en sciences humaines, en arts, en langues et communication ainsi que ceux en sciences de l’éducation de l’UQAM se sont dotés de mandats de grève le 16 février. Ces mandats les incitent à participer aux actions de perturbation en marge du Rendez-vous national sur la main d’oeuvre, qui réunira à Québec les grandes centrales syndicales, le patronat et le gouvernement.

Comme l’a démontré la victoire récente des doctorants en psychologie, une mobilisation continue et un effort concerté peuvent faire mouche: ceux-ci toucheront finalement une rémunération pour leurs internats en milieu hospitalier, et ce, après une dizaine d’années de lutte. On croirait que ce gain obtenu en décembre a soufflé sur les braises d’une lutte encore plus ancienne: celle entourant la rémunération du quatrième et dernier stage des futurs enseignants.

Cette revendication ne date pas d’hier. En fait, elle est presque aussi vieille que l’UQAM elle-même. En 1977, Le Groupe de travail chargé d’une étude sur la formation pratique des maîtres recommandait dans son rapport « qu’un montant forfaitaire de 100$ soit alloué annuellement à chaque stagiaire, à titre de compensation, pour les frais particuliers qu’il dit encourir dans l’exercice de ses fonctions en milieu scolaire. » Il est désolant de constater qu’en quatre décennies, rien n’a changé. Constat d’autant plus désolant lorsqu’on considère les quelques déclarations çà et là qui s’annonçaient prometteuses.

En 2008 par exemple, la ministre libérale de l’Éducation de l’époque, Michelle Courchesne, avait annoncé qu’il y aurait une « table de réflexion » sur la rémunération des stages en éducation. Lors du dépôt du bilan de cette consultation entre des représentants des universités et du Ministère, Mme Courchesne a fermé la porte au projet.

En 2014, le conseil général du Parti libéral du Québec a adopté une résolution en faveur de la compensation monétaire des stagiaires en enseignement. Or, cette motion est restée lettre morte depuis.

Au bout de toutes ces tergiversations et d’un surplace incessant, ces étudiants doivent toujours consacrer, selon une étude de la firme Saine Marketing commandée par la Fédération étudiante universitaire du Québec en 2007, environ 50 heures chaque semaine pendant 12 semaines à la prise en charge complète d’une classe lors de leur stage final. Le tout sans toucher un sou. Cet horaire à temps plein signifie que la majorité des étudiants qui occupent un emploi à temps partiel pendant leurs études doivent démissionner et se trouvent donc sans revenu.

Il est impératif de reconsidérer ce débat sous une nouvelle perspective en raison des nombreux changements survenus depuis 40 ans. Le milieu de l’éducation a bien mauvaise mine après avoir subi des coupes de dizaines de millions de dollars imposées par Québec. Résultat: il y a un besoin criant de réinvestissement chez les techniciens spécialisés et même les enseignants — rémunérés — croulent sous les classes trop nombreuses.

Selon une étude dirigée par Thierry Karsenti, directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, 25% des enseignants avec moins de cinq ans d’expérience quittent la profession. Les principales raisons invoquées? La charge de travail trop importante, le manque de ressources et la gestion difficile des élèves en difficulté — des jeunes qui manquent d’encadrement, faute de budget. Cette même étude conclut d’ailleurs que 63% des futurs enseignants se sentent « peu préparés à faire face à la réalité des salles de classe ».

Le cas des doctorants en psychologie, tenus d’effectuer un internat non rémunéré de 1600 heures en milieu hospitalier après avoir déjà complété 700 heures de stage, était d’une aberration crasse. Celui des futurs enseignants ne devrait pas moins susciter l’indignation. Faisant aujourd’hui les frais d’un système d’éducation mis à mal où le surmenage est presque la norme, ils remplissent des fonctions pourtant vitales dans des conditions plus que précaires.

Illustration: VALASKA 

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