Homogénéisez vos goûts

Design épuré, éclairage industriel, comptoirs en marbre, bois franc : l’esthétique intérieure s’uniformise, principalement dans les cafés des grandes villes du monde. L’influence de ce design que l’on appelle AirSpace, popularisé par les réseaux sociaux, est toutefois sujette à débat.

Le site américain The Verge publiait il y a quelques mois un article concernant l’airspace, une nouvelle tendance qui harmonise les goûts et popularise l’esthétique minimaliste. « En design, c’est toujours une question de tendances », commente Luci Côté, professeure de design d’intérieur au Cégep du Vieux Montréal, ajoutant que les modes suivent l’évolution constante des besoins de la société.

Les réseaux sociaux ont une portée qui permet de propager et d’universaliser les tendances plus facilement que jamais. Des plateformes comme Instagram, Pinterest ou Airbnb montrent quotidiennement des images qui présentent la façon « in » de décorer, de manger ou de vivre, et ce, dans des endroits qui ont très souvent une esthétique similaire. Dans son article Welcome to AirSpace paru dans The Verge, Kyle Chayka décrit des lieux « aseptisés », « anesthésiés », aux arrangements minimalistes, où les murs sont blancs, les comptoirs en marbre ou en bois et l’éclairage caractérisé par des ampoules qui pendent du plafond.

The Verge parle du concept de l’airspace comme un endroit virtuel à travers le monde où tout se ressemble. Il existe une homogénéité des esthétiques dans certains espaces publics, principalement les cafés, mais aussi dans les petits restaurants ou encore dans les lieux privés comme les appartements que l’on retrouve sur Airbnb.

Fondateur de la plateforme Th3rd Wave, un « répertoire des meilleurs cafés à Montréal », Tomas Chevez affirme que cette esthétique est aussi reproduite dans les commerces de la métropole. « Beaucoup de cafés de Montréal se retrouvent dans cet espace-là, l’AirSpace. Le consommateur de réseaux sociaux est très attiré par ça », commente-t-il. M. Chevez explique l’importance du visuel dans ce genre d’établissement et affirme qu’à « certains endroits, le café est médiocre, mais ils ont un super beau design alors ils “pognent”, alors que d’autres ont un très bon café, mais n’ont pas une super belle esthétique et sont donc moins populaires ». D’après lui, la clientèle cherche aussi des endroits qui seront beaux à montrer sur leurs propres comptes de réseaux sociaux.  

Montréal à contre-courant

Alors que Tomas Chevez observe l’esthétique « anesthésiée » tous les jours dans les endroits populaires de la Ville, les professionnels en design d’intérieur témoignent d’une autre réalité.

Selon Luci Côté, cette mode s’observe à certains endroits, mais n’est pas présente partout à Montréal. « Oui, il y a cette tendance, mais il n’y a pas que celle-là. Ce que j’observe, c’est beaucoup plus la tendance environnementale, qui va vers la récupération très décorée », décrit l’enseignante.

Elle rapporte que bien que ce soit peut-être le cas dans le centre-ville, elle ne remarque pas beaucoup de cafés montréalais qui arborent un environnement aseptisé. Au contraire, selon cette dernière, ce sont plutôt les matières brutes, les matériaux récupérés et la décoration industrielle qui règnent dans les autres arrondissements de la métropole, comme le Mile-End ou dans le Mile-Ex.

La directrice de la compagnie de design intérieur, résidentiel et commercial montréalaise MIDesign, Mélodie Violet, croit elle aussi que les cafés de Montréal ne suivent majoritairement pas le style épuré. « Montréal est un peu à la traîne », avance-t-elle.

Selon elle, il est de plus en plus question de cette mode neutre et très moderne dans le design résidentiel, mais du côté commercial, l’atmosphère chaleureuse est plutôt mise de l’avant à travers l’utilisation de motifs, de bois traditionnel et des espaces ouverts. « Les gens aiment voir ces nouveaux designs [que l’on trouve sur les réseaux sociaux], mais ils sont un peu plus sur la défensive au moment d’aller vers quelque chose de plus épuré », indique la designer professionnelle.

Destinations branchées

Tomas Chevez croit fermement au pouvoir des médias sociaux dans la commercialisation d’un café ou d’un restaurant. « Je suis capable de palper au jour le jour la croissance de l’influence des réseaux sociaux », témoigne l’homme de 28 ans, qui travaille exclusivement avec ces outils pour son entreprise. Les cafés que Th3rd Wave conseille à ses lecteurs voient aussi leur nombre de mentions « j’aime » augmenter, puisque leur design plaît aux consommateurs qui les ont vus sur une des plateformes sociales du « répertoire ».

L’entrepreneur considère que l’influence de l’esthétique dans les commerces est essentielle à la popularité de ceux-ci. L’esthétique prend aujourd’hui de plus en plus d’importance dans l’appréciation d’un commerce puisque les consommateurs ont « [de] plus en plus d’outils pour montrer [leur] quotidien », d’où ce changement marquant dans l’expérience routinière d’aller prendre un café.

Photo: JEAN BALTHAZARD MONTRÉAL CAMPUS

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