Transparence et équilibre espérés

Fortement critiquée depuis sa refonte en décembre 2015, la politique disciplinaire de l’UQAM pourrait être modifiée d’ici la fin du mois, à la faveur de recommandations proposées par les associations facultaires étudiantes.

Le processus aura été long : plus d’un an pour que ces doléances cheminent vers le conseil d’administration (CA) de l’Université, selon un document qui lui a été soumis le 20 décembre 2016 et dont le Montréal Campus a obtenu copie. De fait, le vendredi 3 février dernier, cinq membres issus du CA se sont réunis pour se pencher sur les recommandations des associations facultaires.

La porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers, indique que ces démarches s’inscrivent en respect du fonctionnement normal des instances de l’Université. «   Le dossier a cheminé en suivant les étapes appropriées dans le contexte et en fonction des instances reconnues par l’UQAM et son CA qui demeurent sensibles aux préoccupations exprimées entourant le processus disciplinaire  », a-t-elle fait valoir dans un échange de courriels.

Pour rappel, la refonte de la politique disciplinaire avait notamment donné naissance à un comité de discipline, un mécanisme de sanction pour les étudiants en infraction au Règlement no 10 sur la protection des personnes et des biens de l’Université. Depuis sa mise en place, quatre étudiants ont été jugés cet été pour des actes perpétrés dans la foulée des perturbations étudiantes au printemps 2015. L’un d’entre eux a été suspendu au trimestre dernier et un autre, expulsé. Or, cette dernière décision n’a toujours pas été entérinée par l’administration uqamienne.

Les modifications proposées

Joint au téléphone, Samuel Cossette, délégué étudiant au CA et présent lors des pourparlers du vendredi, s’est réjoui des «  gains  » obtenus, tout en prenant le soin de préciser que rien n’est joué. Ces modifications doivent être entérinées lors de la prochaine séance du CA, fixée au 21 février prochain.

C’est sur le plan de la composition du comité de discipline que M. Cossette souligne les changements les plus notables. Dans sa forme actuelle, un des cinq sièges peut être comblé par un cadre ou un employé de soutien. Et c’est le vice-recteur à la vie académique — actuellement René Côté — qui se charge de nommer unilatéralement les membres. Exit le cadre, si les recommandations adoptées vendredi deviennent effectives, révèle l’étudiant à la maîtrise en communication, tout en précisant qu’une banque de candidats serait soumise à M. Côté pour éviter toute «  décision arbitraire  ». «  On voulait des comités [de discipline et de révision] représentatifs de la communauté [uqamienne], explique-t-il. Cela passait en partie par les gens qui sont présents, mais aussi par la façon dont ils sont nommés.  »

Autre possible modification, cette fois-ci au chapitre de l’avis de convocation, l’étudiant recevrait une recension de tous les actes qui lui sont reprochés. «  Le plus gros des débats a été là-dessus, indique Samuel Cossette. […] On voulait donner à la personne qui est convoquée tous les outils nécessaires pour se défendre en bonne et due forme et qu’elle ne soit pas prise au piège en arrivant sur place.  » 16 professeurs du Département des sciences juridiques avaient d’ailleurs transmis une missive au recteur Robert Proulx pour faire état d’une préoccupation similaire.

Aussi, lors de son audition, l’étudiant pourrait demander à visionner d’autres extraits de la bande vidéo sur laquelle figurent les gestes reprochés. Fait à noter, toutefois : les associations facultaires avaient formulé la requête que les preuves vidéos soient transmises à l’étudiant convoqué avant la tenue de son audition devant le comité de discipline. Celle-ci n’a donc pas été retenue au terme des pourparlers vendredi.

L’avis des juristes

Samuel Cossette est «  confiant  » que les recommandations retenues soient ultimement appliquées au processus disciplinaire. Mais ces dernières vont-elles assez loin? En entretien avec le Montréal Campus, les professeurs en sciences juridiques Lucie Lamarche et Jean Baril — deux signataires de la lettre — se sont penchés sur les doléances étudiantes.

D’emblée, la proposition d’inclure dans l’avis de convocation les motifs de sanction est «  bien raisonnable  » puisque le texte actuel de la politique disciplinaire «  se borne  » à ne divulguer que «  les éléments essentiels  » des actes reprochés, pointe Mme Lamarche. «  Les étudiants demandent une date, ils veulent des faits. […] L’expérience étudiante [avec l’actuel comité], c’est que l’UQAM sort de son chapeau des lapins vieux de deux ans  », illustre-t-elle. Mais «  ce n’est pas la révolution  », ajoute la professeure. «  Il reste des zones d’ombre. Ce n’est pas complètement clair jusqu’où [les associations étudiantes] ont des attentes par rapport aux détails des faits dont l’UQAM disposerait pour dénoncer un étudiant.  »

À l’heure actuelle, les témoins appelés par l’UQAM sont entendus par le comité de discipline hors de la présence de l’étudiant convoqué. Les associations étudiantes proposent plutôt que la teneur de ces témoignages anonymes soit communiquée en même temps que l’avis de convocation. Or, aux yeux de Lucie Lamarche, «  ça n’a pas d’allure que la preuve testimoniale soit entendue hors de la présence de l’étudiant  » exposé à de possibles sanctions. «  La preuve testimoniale est basée sur cette idée de “je te regarde et tu vas me le dire”. […] Il me semble que c’est inhérent aux principes d’équité  », laisse-t-elle tomber.

Pour sa part, Jean Baril estime que dans le cas d’une suspension d’un an ou plus — «  une atteinte grave aux droits  », selon lui — la personne possiblement sanctionnée «  devrait avoir le droit d’être représentée par un avocat, si elle le souhaite.  »

M. Baril propose en outre d’impliquer «  une force extérieure  » pour ouvrir et bonifier la discussion, par exemple «  un ancien prof ou un juriste de la Ligue des droits et libertés, qui ne défend pas son pain et son beurre  ». «  Je pense que ce serait une façon d’avoir une discussion plus constructive et moins polarisée entre l’administration et les associations étudiantes  », conclut-il.

Photo: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS

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