Sensibilisation obligatoire

Un cours obligatoire sur les violences à caractère sexuel pourrait s’ajouter au cheminement des étudiants de la Faculté de science politique. C’est du moins le souhait exprimé par une poignée de professeurs et d’étudiants qui travaillent sur cette initiative depuis février dernier.

Le cours imaginé par un comité composé d’étudiants, de professeurs et du doyen de la Faculté comporterait, entre autres, « des ateliers, des conférences et des jeux de rôles pour sensibiliser les nouveaux étudiants aux enjeux théoriques du harcèlement sexuel ». Le cours totaliserait une quinzaine d’heures et vaudrait un crédit.  L’adoption d’une formation similaire dans les autres facultés dépendra de la volonté de leur Comité des études respectif à l’intégrer à leur programme. « On espère créer un modèle de cours qui pourra être exporté partout dans l’UQAM », précise Hugo Cyr, doyen de la Faculté de science politique.

Selon Geneviève Pagé, professeure au Département de science politique et spécialiste en théories féministes, ajouter un cours obligatoire aura plus d’impact que d’offrir « une formation optionnelle, où juste les gens concernés viennent ». « Le fait que ce soit obligatoire va faire en sorte que chaque étudiant sera exposé à la sensibilisation », ajoute la directrice du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH), Maude Rousseau.

Il faut faire autre chose que des midis réflexions où trois personnes se pointent!Geneviève Pagé, professeure au Département de science politique

Des obstacles à la création

Hugo Cyr accorde une grande importance à ce dossier, mais reconnaît que le projet demandera beaucoup de temps d’ici sa concrétisation « compte tenu [des] structures académiques complexes [de l’Université] ».

Pour faire adopter un cours, il faut d’abord créer une fiche d’études qui décrit le contenu et les modalités de celui-ci. À l’UQAM, cette fiche doit être écrite par des comités formés entre autres d’étudiants, de professeurs et de chargés de cours. Il faut ensuite faire approuver cette fiche par le Comité des études; comité où siègent des représentants de tous les programmes de la faculté concernée. « Arriver à un consensus avec autant d’intervenants peut donc être long, mais ça respecte l’esprit de collégialité qui nous est cher à l’UQAM », explique le doyen.

Les coûts qu’engendrerait la mise en place de ce cours représentent également un obstacle à sa réalisation. « Quand on a parlé aux étudiants du bac en droit d’un crédit supplémentaire, ils n’étaient pas du tout ravis, car ils ont déjà un plus grand nombre de crédits dans leur programme et paient donc plus cher »,précise Rachel Chagnon, directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF). Et si le cours n’est pas donné par un professeur, c’est un chargé de cours qui devra le donner, ce qui représente des coûts supplémentaires pour l’Université. « Il y a toujours l’option d’une formule de cours en ligne pour limiter les coûts, mais l’intériorisation de la matière sera moindre », estime Mme Chagnon.

De son avis, il faudrait « une politique et des structures efficaces pour les personnes qui veulent faire un signalement » pour s’assurer de l’efficacité à long terme d’un tel cours. Elle juge à cet effet qu’il y a matière à l’amélioration, car « il n’y a pas assez de signalements, malgré les efforts déployés par l’Université ».

La Politique 16 toujours attendue

« Nous on a arrêté de travailler là-dessus, car on travaillait dans le beurre, on attend d’avoir un mandat clair », laisse tomber Mme Pagé, membre du comité de révision de la politique 16, affirmant que la dernière rencontre remonte au mois de mai. Maude Rousseau signale, pour sa part, qu’elle « clarifie[ra] le mandat de la politique 16 sous peu ».

Les comités de révision de la politique 16 (contre le harcèlement sexuel) et de la politique 42 (contre le harcèlement psychologique) se sont rencontrés cet été pour « partager leurs réflexions sur un éventuel arrimage des deux politiques », raconte Geneviève Pagé. Elle explique que les membres des comités ont donc essayé de modifier la politique 42 pour faire en sorte qu’elle gère aussi le harcèlement sexuel et devienne une politique contre tous les types de harcèlement.

La directrice de l’IREF, Rachel Chagnon, mentionne toutefois qu’à l’issue des dernières rencontres, « il semble y avoir un consensus pour laisser les deux politiques séparées, autant du côté de Maude Rousseau que de celui de Normand Petitclerc, secrétaire général aux instances ». Elle ajoute que de créer une seule politique contre le harcèlement « créerait un sous dévoilement des signalements, car les victimes de harcèlement sexuel auraient l’impression d’être négligées par ce système à guichet unique et préfèreraient ne pas porter plainte. »
La concrétisation du projet de cours obligatoire contre les violences sexuelles, quant à elle, « est espérée pour l’automne 2017 », affirme-t-elle.

Photo: ALEXIS BOULIANNE

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