Des machines intelligentes capables de travailler pour les humains, des machines qui comprennent le sens des mots, des machines capables d’écrire un article comme celui-ci…Cela peut sembler futuriste. Pourtant, cette technologie est déjà à nos portes.
L’intelligence artificielle est l’un des nombreux aspects qui ont été abordés lors de la 25e conférence du World Wide Web (WWW) qui se tenait à Montréal du 11 au 15 avril. Très prestigieuse dans le milieu de l’informatique, cette conférence réunit les sommités mondiales en matière de technologie afin de présenter les dernières avancées du monde de l’informatique et porter un regard vers le futur. Pour la toute première fois, l’événement a eu lieu au Québec, au Palais des congrès de Montréal.
Selon Roger Nkambou, professeur au Département d’informatique à l’UQAM et co-président de la conférence cette année, c’est une grande fierté d’accueillir les grands de la technologie dans la métropole. Il a comparé la sélection de la ville-hôte à celle des Jeux olympiques, dans une moindre mesure. «L’UQAM a présenté sa candidature pour une pré-sélection en 2012, puis a envoyé une délégation à Rio [de Janeiro, au Brésil] en mai 2013, pour finalement signer le contrat en 2014», résume le professeur.
Un monde de possibilités
D’après lui, la conférence est une occasion unique pour des étudiants et des professionnels en informatique d’ici de tisser des liens avec des sommités internationales de la technologie. Parmi elles, on retrouve l’inventeur du triple W, Sir Tim Berners-Lee, et le directeur de recherche chez Google ainsi qu’auteur d’ouvrages de référence en matière d’intelligence artificielle, Peter Norvig. «C’est l’opportunité de rencontrer des sommités, et ce sont des personnes très accessibles!» lance Roger Nkambou. Michel Héon, post-doctorant en informatique à l’UQAM, a vécu l’expérience, lui qui est venu présenter ses propres réalisations lors de la conférence. «J’ai parlé pendant une demi-heure à Ian Horrocks, un expert du Web sémantique, qui s’est intéressé à mon travail [sur le même sujet], et il m’a donné des conseils», raconte-t-il, enthousiaste.
Tim Berners-Lee prône lui aussi l’utilisation du Web sémantique, une discipline qui vise à doter les moteurs de recherche d’une capacité à comprendre le contexte, le sens des mots. C’est d’ailleurs un domaine «en pleine expansion» d’après Michel Héon, car de plus en plus d’entreprises utilisent ces moteurs de recherche «intelligents». Roger Nkambou illustre très simplement cet outil en le comparant avec la poutine. «L’ordinateur, si on lui demande de rechercher le mot «poutine», ne fait pas la différence entre le plat national des Québécois et le président de la Russie», explique-t-il. Cela permet de faciliter la recherche sur le Web, car l’ordinateur devient capable de comprendre les subtilités du langage et donc de diriger l’utilisateur vers les données qui l’intéressent.
Le Web est un instrument assez vaste dont certaines facettes ont été présentées dans des ateliers spécifiques, portant notamment sur les réseaux sociaux, le «big data» et les villes intelligentes. L’accessibilité du Web est un autre enjeu crucial pour les informaticiens, qui souhaitent aider les personnes éprouvant des difficultés de toutes sortes à pouvoir naviguer sur la Toile. Lors d’un «hackathon» qui s’est déroulé le 13 avril, des programmeurs ont été mis au défi de reprogrammer un site en quelques heures afin de le rendre facile d’utilisation.
L’intelligence artificielle: faut-il s’en méfier ?
Là où les informaticiens divergent, c’est lorsqu’il est question d’intelligence artificielle (IA). En effet, l’IA est déjà bien développée. Par exemple, un «robot-journaliste» rédige des dépêches d’agence pour l’Associated Press (AP) depuis 2014. On estime qu’il peut pondre des articles à un rythme moyen de 9,5 textes par seconde.
Quand il est question d’IA, des craintes sont toujours soulevées par rapport au danger que peut représenter cette technologie pour l’humanité. Des intellectuels comme Stephen Hawking et Bill Gates ont déjà exprimé de sérieuses réserves, car ils craignent que l’humanité perdra le contrôle de ses créations, dans un avenir plus ou moins éloigné. Lorsque la question lui est posée, Michel Héon éclate de rire.«Depuis que l’humanité existe, on est à trois secondes de la fin du monde. On revit cette peur de l’industrialisation où on se disait que les machines allaient nous voler tous les emplois», relativise-t-il. Ce qui l’inquiète vraiment, c’est la dépendance de l’humain à la machine. «Et si tout ça disparaissait, comment gèrera-t-on nos actions sans machines ?», se questionne-t-il, rappelant qu’à peu près tous nos outils technologiques, comme les transports, fonctionnent avec des ordinateurs.
En mars dernier, Microsoft a vu Tay, son IA lancée sur Twitter pour interagir avec les utilisateurs, tenir des propos racistes et même antisémites en à peine 24 heures. «Le danger ne réside pas dans l’outil lui-même, mais plutôt dans l’être humain derrière», nuance Roger Nkambou. Le risque, c’est que l’homme utilise la machine avec de mauvaises intentions. «En créant la théorie de la relativité, Einstein n’a jamais voulu qu’on crée la bombe atomique», rappelle-t-il.
Photo : 2001 : A Space Odyssey
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