Doyen de la Faculté de science politique et de droit depuis juin 2015, Hugo Cyr est le nouveau venu au décanat de l’UQAM. C’est la tête pleine de projets et d’espoirs qu’il a accepté de rencontrer le Montréal Campus afin de discuter de lutte au harcèlement sexuel et d’assemblées publiques.
La problématique du harcèlement sexuel sur le campus universitaire est un enjeu prioritaire pour celui qui était professeur à l’UQAM depuis 2002. En amont de la campagne de sensibilisation nationale «Sans oui, c’est non» qui a été lancée le 14 mars, Hugo Cyr lutte contre la culture du viol et du silence présente dans les institutions d’enseignement supérieur. «En Amérique du Nord, c’est bien connu, il y a des enjeux de violence sexuelle qui sont identifiés dans les campus un peu partout», expose le détenteur d’une maîtrise en droit de l’Université de Yale et d’un doctorat de l’Université de Montréal. «Nous avons une expertise ici [à la Faculté] qui est utile pour développer des mécanismes forts.»
Parmi ces «mécanismes», des étudiants et des professeurs travaillent actuellement à l’instauration d’un cours sur la culture du viol, une initiative appuyée «à 100%» par le doyen. «Ce serait un cours d’une quinzaine d’heures qui se donnerait à la rentrée, en concentré sur quelques jours ou sur cinq semaines», indique Hugo Cyr. Plusieurs détails sont encore à confirmer, notamment combien de crédits vaudra le cours. Il faudra aussi déterminer la nature du cours : soit volontaire ou obligatoire. Pour sa part, Hugo Cyr est favorable à la seconde option. «Si c’est purement volontaire, ce sont [les étudiants] qui sont déjà convaincus qui vont y aller», croit-il. Le tout devra être approuvé par chacun des programmes de science politique et de droit par le biais des comités de programmes. Ces derniers, composés à parts égales d’étudiants et de professeurs, décideront d’approuver ou non le cours pour l’ajouter à leur cursus. «Ultimement, ce n’est pas ma décision, convient le doyen. Mais j’espère que le cours sera obligatoire pour la session de janvier [2017], idéalement. Le plus tôt sera le mieux», juge celui qui dirigeait l’année dernière les cycles supérieurs de droit.
Multiplier les recours
Cette formation sur la culture du viol fait partie d’un «bouquet de procédures» pour lutter contre le harcèlement sexuel. En tant que spécialiste du droit constitutionnel et du droit public, Hugo Cyr souhaite aussi qu’un «code de conduite» soit créé au sein de la Faculté dans le but d’éviter la circulation de propos haineux ou misogynes, en particulier sur les réseaux sociaux. «L’université, c’est fait pour avoir des débats et de la délibération, mentionne-t-il. Mais quand on fait dans l’attaque ad hominem, ça ne favorise pas le débat.»
Le doyen est catégorique : il condamne toute forme d’intimidation. Sans citer de cas en particulier, il a rappelé que les grèves étudiantes en 2012 et en 2015 ont causé leur lot d’attaques personnelles sur les réseaux sociaux. En janvier dernier, il a lui-même été attaqué dans un tract anonyme distribué sur le campus central et qui l’accusait d’avoir minimisé les propos dégradants et misogynes d’étudiants de sa faculté qui proposaient, notamment, de droguer une étudiante au GHB lors d’un événement vin et fromages. Hugo Cyr avait d’ailleurs démenti ces accusations sur sa page Facebook, les jugeant diffamatoires.
Bien qu’il reconnaisse l’impossibilité de contrôler les propos des membres de l’Université sur les réseaux sociaux, il croit tout de même que l’adoption d’un code de conduite sera bénéfique. «C’est un outil d’information sur ce qu’on considère inacceptable et qui fournira des procédures lorsqu’un comportement répréhensible se produit», explique-t-il. Il croit qu’un tel code permettra de mieux accompagner les victimes d’actions inappropriées quant à leurs recours par la suite. Des associations étudiantes ont aussi proposé de mandater deux exécutants, un homme et une femme, qui seraient disposés à recevoir les témoignages de victimes d’harcèlement en toute confidentialité. «Voici une des portes, il faut qu’il y en ait plusieurs, souligne Hugo Cyr. Il faut multiplier les accès [à des ressources] sans rendre la chose plus compliquée.»
Cette «chose compliquée», c’est le devoir de confidentialité qu’a l’Université envers ses membres. «Il faut qu’on protège la vie privée et la confidentialité, il y a des choses qu’on ne peut pas dire sur des cas individuels», souligne-t-il. Il soulève toutefois le paradoxe que cette situation peut créer : il faut donner suffisamment d’information sur les cas de harcèlement, tout en évitant de «brimer la confidentialité» des victimes.
Selon Hugo Cyr, un bon moyen d’y parvenir est d’en parler tous ensemble en assemblées publiques. En février, le doyen avait déjà mentionné au Montréal Campus son intention d’implanter des assemblées du genre townhall meetings au sein de sa Faculté afin de favoriser le dialogue sur des enjeux universitaires.
La première rencontre était prévue pour le 17 mars. Hugo Cyr en a profité pour faire d’une pierre deux coups : il a demandé que l’assemblée traite de «la violence sexuelle et des actions à prendre pour lutter contre ce phénomène».
Photo : Juana Rubio
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