Entre les murs de l’Université, une étudiante singulière trace sa route depuis des dizaines d’années. Ce pèlerinage intellectuel, comparable à un chemin de croix, est le moteur de vie de Lucie Quevillon.
Cela fait 30 ans qu’elle est assise sur les bancs de l’Université. Les cheveux grisonnants, la cinquantaine assumée, Lucie Quevillon est l’éternelle étudiante de l’UQAM. Après avoir complété un baccalauréat et une maîtrise en sexologie, poursuivi le cursus du doctorat en sémiologie avant de compléter un nouveau bac en psychologie, Lucie est aujourd’hui au certificat de création littéraire. Cette passionnée d’études est aussi vice-présidente d’Iktus, le groupe œcuménique chrétien de l’UQAM.
L’étudiante atypique a eu une enfance marquante et parfois difficile. «J’étais dans une famille de dix personnes et on était pauvres. On avait une petite ferme pour cultiver, témoigne-t-elle. Mais c’est l’amour de l’être humain, l’amour de la nature qui nous donne une base solide pour aimer le monde et aider les autres. Mes parents étaient croyants, c’est ça la base de ma vie.»
Sa foi, Lucie peut aujourd’hui la vivre pleinement grâce à Iktus. Pendant plusieurs années, elle a mis de côté la religion pour se consacrer aux études et à sa famille et ses deux enfants. Mais depuis qu’elle a rejoint le groupe qui réunit l’ensemble des branches du christianisme, Lucie retrouve peu à peu le chemin de la spiritualité. «Iktus est un lieu d’échanges et de rencontres avec des gens de plusieurs pays, et c’est vraiment génial, ça me permet d’approfondir ma spiritualité», explique-t-elle avec enthousiasme.
Outre ces moments d’échange, Iktus propose aussi à la communauté uqamienne des animations pastorales, des débats et des conférences sur divers sujets d’actualité qui, parfois, font directement écho aux moments difficiles qu’a vécus Lucie. Une conférence sur l’aide médicale à mourir l’a particulièrement marquée. «J’ai accompagné ma mère dans les six derniers mois de sa vie. Avec mon père et ma famille, c’est nous qui lui avons donné les soins palliatifs, se remémore-t-elle avec émotion. Je l’ai fait aussi avec mon copain qui est décédé l’an passé. Ça m’a permis de ne pas avoir de regrets après leurs décès. J’ai fait tout ce que je pouvais pour les soigner, je ne peux pas empêcher la mort, je ne peux pas empêcher un cancer, mais je peux être là pour accompagner la personne. C’est quelque chose de riche.»
Lucie est captivante. Quand elle raconte son histoire, elle le fait avec une authenticité et une simplicité déconcertante. Avec sa vision éclairée du monde qui l’entoure, Lucie partage un regard moderne sur la religion. «Au-delà des différences entre les humains, je me fie à Aristote qui dit que c’est dans la différence que l’on reconnaît l’Autre», confie-t-elle avec bienveillance. La compréhension de l’Autre et la recherche de conciliation que prônent François 1er séduisent Lucie. «Je partage la vision du pape. Quand il dit qu’il ne peut pas juger les homosexuels, je ne peux qu’être d’accord avec lui, soutient-elle. En sexologie, j’ai appris qu’une personne ne choisit pas son orientation sexuelle.»
La vice-présidente d’Iktus cherche à rassembler tous les individus en mettant l’être humain au cœur de sa réflexion. «L’Univers est plus grand que nous-mêmes, c’est important de s’ouvrir, martèle-t-elle. Quand on peut trouver des choses qui sont communes à tous les êtres humains, on va à l’essentiel et c’est ça qui est le plus beau.»
Tous les mots choisis par la fidèle uqamienne sont justement posés. Lucie a basé tout son raisonnement spirituel sur l’association de la religion à la connaissance. Ses nombreuses années d’études lui permettent de porter des jugements savamment réfléchis. «Tout ce que j’ai appris en psychologie, je l’applique au quotidien, confie-t-elle. J’essaye de faire des compromis entre les gens et d’aller à l’essentiel.»
À Iktus, Lucie est également impliquée dans la chorale. C’est d’ailleurs grâce à ce groupe de chant qu’elle a rejoint l’association œcuménique il y a maintenant quatre ans. Au sein du chœur, on retrouve un athée, une musulmane et «un chrétien très très croyant». C’est cette diversité que Lucie veut montrer. «Iktus offre des moments de partage à tout le monde, que l’on soit chrétien ou non», insiste-t-elle.
Lucie semble être une femme heureuse. Épanouie. Une femme qui dit avoir trouvé son petit refuge dans les couloirs parfois moroses de l’Université. «Quand on sort des cours, on peut avoir envie de discuter de philosophie, de spiritualité, et ça, je peux le faire grâce à Iktus», se réjouit-elle. Et des espaces de rencontres comme celui-là, Lucie aimerait en voir de plus en plus. «Pour mes recherches universitaires, il m’arrive de prendre la route et de m’arrêter dans un café, raconte-t-elle. Il y a beaucoup d’aînés et les gens sont seuls. Il faudrait créer des lieux pour que les gens échangent et parlent de choses profondes.»
Quand on évoque l’avenir, l’étudiante éternelle a plein de projets en tête. Lucie n’envisage pas de quitter l’UQAM de sitôt. Séduite par la maîtrise en psychologie ou par le doctorat en éducation, l’humaniste d’Iktus commencera à se lasser bien après que nos traces d’étudiants aient été effacées du béton uqamien.
Photo : Alexis Boulianne
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