Crise(s) à l’UQAM?

Par Francis Huot, Étudiant au baccalauréat en Communication, politique et société

L’UQAM serait perpétuellement frappée par une quelconque «crise». C’est du moins l’impression qu’on a en analysant la couverture médiatique dont l’Université a bénéficié dans la dernière année.

Depuis février 2015, près d’une dizaine de ces «crises» ont frappé l’UQAM. Qu’on pense au mouvement de grève du printemps 2015, au saccage du pavillon J.-A.-DeSève par des manifestant-es en réaction à l’arrestation d’étudiant-es dans l’Université, à la baisse du nombre de demandes d’admission pour la session d’automne 2015 et plus récemment, au déclenchement d’une grève générale illimitée du Syndicat des étudiants et étudiantes employé-es (SETUE), des moyens de pression du Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) et de la hausse des plaintes d’étudiant-es à l’ombudsman. L’Université serait gangrenée par ses conflits internes. Sans parler de l’ESG qui affirmait il y a peu vouloir voler de ses propres ailes.

Même si ces événements ne sont pas liés de façon claire les uns aux autres, les médias semblent vouloir les regrouper pour créer une «crise» globale à l’UQAM. Superposées, LES «crises» deviennent LA «crise».

La «crise» à l’UQAM, une création des médias?

Affirmer que les médias ont créé eux-mêmes la crise serait sans doute exagéré. Après tout, les événements mentionnés plus haut ont bel et bien eu lieu; le but n’est pas de les remettre en question. Les médias ont toutefois certainement cherché à amplifier la situation.

En faisant une recherche Google rapide avec les mots-clés «crise» et «UQAM», une douzaine de nouvelles évoquant des événements qui se sont déroulés à l’UQAM apparaissent, uniquement pour le dernier mois! Et pas seulement dans les radios poubelles et à TVA Nouvelles. Des médias comme Le Devoir et Radio-Canada ont eux aussi participé à la surenchère de la gravité de la situation uqamienne.

L’amplification médiatique, un phénomène courant?

Dans un article sur la couverture médiatique de la crise des accommodements raisonnables qui a été publié dans le Canadian Journal of Communication en 2010, des chercheurs observent que les médias ont accordé une couverture médiatique très intensive à une série de cas d’accommodements raisonnables sur une période de 12 mois. Ce faisant, les médias ont réussi, en amplifiant une série d’événements liés à des accommodements juridiques ou à des ajustements administratifs envers des citoyennes et des citoyens issu-es de l’immigration, à mettre à l’ordre du jour une réalité émergente: la gestion de l’immigration et de la diversité culturelle au Québec.

Ce phénomène s’appelle l’amplification médiatique, ou media hype en anglais. Grosso modo, on grossit la nouvelle, on la rend spectaculaire et on la normalise, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de distinction de valeurs entre les nouvelles. Dans le cas qui nous intéresse, la «crise» à l’UQAM peut avoir la même importance dans les médias qu’un bombardement dans un quelconque pays moyen-oriental. Ce sont les médias, en amplifiant une nouvelle comme celle-là, qui fixent l’ordre du jour social et politique. Ce qu’on appelle l’agenda setting.

À qui l’amplification de la « crise » uqamienne profite-t-elle?

Le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky dirait sans doute que le dessein même de la couverture médiatique des «crises» à l’UQAM est politique.

Que les élites politiques et économiques chercheraient à «fabriquer le consentement» de la population en dépeignant négativement le côté gauchiste de l’UQAM. Un consentement qui servirait à défendre l’idéologie néolibérale dominante chère à ces dites élites.

Cette couverture médiatique servirait aussi à l’administration de l’UQAM pour justifier les moyens qu’elle a pris pour encadrer — voire réprimer — les activités militantes qui se déroulent dans l’institution.

Qu’on soit en accord ou non avec la vision chomskienne, l’amplification des «crises» à l’UQAM nous permet d’avoir un petit aperçu du modus operandi des médias de masse à l’ère de l’information-spectacle.

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