Plusieurs centaines de journalistes sont recensés au Québec en 2015, mais il est difficile d’en compter une dizaine qui se spécialisent dans le domaine du journalisme de données. Le virage numérique entrepris par les médias traditionnels dans les dernières années devient une avenue pour la relève.
La reconnaissance du milieu professionnel à l’égard du journalisme de données s’est accrue depuis le dernier Congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). L’explication de cet engouement passe en partie par le travail du journaliste de données du journal Métro, Naël Shiab. Ce dernier s’est vu offrir la bourse Arthur-Prévost, remise à un jeune journaliste prometteur qui s’est démarqué par son engagement dans le milieu de la presse écrite. «Il est devenu le premier journaliste de données à se mériter un tel honneur grâce à son travail effectué avec nous au cours des derniers mois», partage le rédacteur en chef et directeur de l’information du journal Le Métro, Yannick Pinel.
Si la demande des médias québécois pour des journalistes de données est élevée, l’offre n’arrive pas à suivre. À la fois journaliste et informaticien, le journaliste de données se fait rare au Québec de par le fait qu’il faut allier les aptitudes technologiques et les connaissances du métier de journalisme. «Les vrais journalistes de données comme on l’entend sont rares; on les compte sur les doigts de mes mains», mentionne Jean-Hugues Roy, professeur en journalisme à l’UQAM.
Pourtant, quelques programmes universitaires ont adapté leur réalité à l’ère numérique. C’est le cas de l’Université d’Ottawa et de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui proposent toutes les deux des programmes de baccalauréat en communication, axés sur le journalisme. L’Université d’Ottawa offre, en collaboration avec la Cité collégiale, l’un des rares programmes de journalisme adapté à l’ère numérique. «En 2013, nous [les professeurs du programme de journalisme] en sommes venus à la conclusion que les mutations du journalisme nous obligeaient à prendre la direction du journalisme numérique», explique Marc-François Bernier, professeur titulaire au département de communication et Coordonnateur du programme de Journalisme numérique.
Du côté du programme de baccalauréat en communication profil journalisme à l’UQAM, les étudiants ont la chance d’avoir un avant-goût de ce que peut être le journalisme de données. «Les étudiants ont un cours de journalisme sur internet où ils apprennent quelques rudiments, mais c’est le cours de technologies de l’information appliquées au journalisme qui s’apparente davantage au travail du journaliste de données», explique Jean-Hugues Roy.
À titre de vidéo-journaliste pour Radio-Canada en Ontario, Naël Shiab a poursuivi son cheminement scolaire avec une maîtrise en journalisme de données accélérée d’une durée de 10 mois, au King’s College, à Halifax. Pendant son parcours universitaire, le journaliste n’a pas fait que suivre ses cours, il a appris par lui-même le codage. «Les professeurs étaient fantastiques et le programme bien conçu, mais on n’apprenait pas à coder, explique Naël Shiab. J’ai appris par moi-même à coder en parallèle de ma maîtrise, ce qui fait une très grosse différence dans mon travail aujourd’hui.»
La venue des robots-journalistes est aussi un facteur qui peut inquiéter les futurs journalistes toujours sur les bancs d’école. Bien que les robots soient plus rapides pour traiter les informations et crypter les données, ceux-ci comportent certaines limites, relativise Nael Shiab. «Ils ne peuvent pas faire des entrevues ou même faire l’analyse de données, précise-t-il. Seuls les journalistes paresseux pourraient être réellement remplacés par les robots.»
Actif entrepreneurial
Du côté du journal Métro, l’acquisition des talents de Naël Shiab comme journaliste de données a profité énormément au contenu généré sur les plateformes multimédias. «Dans notre vision stratégique, nous avions envie de créer un contenu différent, plus ludique où le lectorat peut interagir avec la nouvelle et c’est passé par Naël. Sans l’ombre d’un doute, ce fut une grande réussite», tient à préciser Yannick Pinel.
La concurrence est féroce au sein des médias québécois pour s’approprier le talent des meilleurs journalistes de données. Comble du malheur, c’est ce qui arrivera prochainement à Yannick Pinel, lui qui verra son journaliste vedette se joindre à l’Actualité le 15 février prochain. Il peut arriver que cela prenne des mois pour trouver un journaliste de données. «Sur 100 applications à ce poste, seul Naël correspondait aux critères», partage Yannick Pinel. Face à une demande croissante des médias, le journalisme de données vaut son pesant d’or.
Photo : Jorge Franganillo, Flickr
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