Scandinavie, mon amour

Pays les plus heureux au monde, affichant les plus bas taux d’inégalités et aux institutions les plus paritaires, toutes les raisons sont bonnes pour avoir les pays scandinaves sous la loupe. L’UQAM ne fait pas exception, alors que les ambassadeurs de la Suède et du Danemark ainsi que l’ambassadrice de la Norvège étaient de passage la semaine dernière pour une conférence au Hyatt Regency de Montréal.

Depuis les années 1990, les pays scandinaves affichent une santé économique exceptionnelle : produit intérieur brut (PIB) et taux d’activité en croissance, exportations en hausse et, surtout, des inégalités moins creusées que dans les autres pays de l’OCDE. Ces résultats ne sont pas passés inaperçus et plusieurs s’y intéressent, notamment à l’UQAM. «Il y a des travaux qui sont faits [à l’UQAM] sur leurs modèles économiques, mais aussi sur la manière dont ces pays sont gouvernés et sur le rapport de partenariat entre les différents acteurs sociaux», raconte André Donneur, professeur au département de sciences politiques.

Pour le directeur du Laboratoire international d’étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord de l’UQAM, Daniel Chartier, étudier les pays scandinaves, ce n’est pas que s’attarder aux éléments politiques. «Je pense que c’est un modèle historique, nuance-t-il. Je ne suis pas sûr que l’on peut trouver des solutions aujourd’hui là-bas, pour nous, sauf les principes d’égalité qui seront toujours sûrement éclairants.» Selon celui qui a écrit un ouvrage sur l’image de l’Islande à l’international suite à la crise financière de 2008, le modèle scandinave est très difficile à maintenir dans un contexte globalisé, citant notamment l’exemple de la crise des réfugiés syriens. «En réalité, c’est un modèle qui n’a pas vraiment résisté à l’Europe. On le voit aujourd’hui avec la crise des migrants: le Danemark ferme ses frontières complètement, la Suède les ouvre un peu, la Norvège très peu. Le modèle socio-économique scandinave est fait pour les Scandinaves», précise-t-il.

Percer le mystère scandinave

Organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), la conférence du 2 novembre dernier regroupait Mona Elisabeth Brøther, ambassadrice de la Norvège, Per Sjörgen, ambassadeur de la Suède et Niels Boel Abrahamsen, ambassadeur du Danemark. Tous s’entendaient pour dire que le dialogue social est à la base des succès socio-économiques de leurs pays. «Les points en commun entre nos pays demeurent le dialogue et la coopération entre l’État, le patronat et les travailleurs», considère Niels Boel Abrahamsen.

Afin de financer le modèle social-démocrate en vigueur, les États scandinaves n’ont pas peur de hausser considérablement les taxes. Or, la grogne populaire telle qu’on l’imaginerait n’inquiète pas la représentante d’Oslo. «Si les gens se plaignent des taxes, généralement ils n’ont à se plaindre de rien d’autre», s’est exclamée Mona Elisabeth Brøther. Taxation, parité au sein des institutions et des entreprises – «aucun homme n’est né pour siéger sur un conseil d’administration», a d’ailleurs martelé l’ambassadrice de la Norvège – et l’éducation auront été discutés par les trois diplomates. «Les universités suédoises ont beaucoup d’intérêt à collaborer avec leurs consœurs canadiennes», a déclaré l’ambassadeur de la Suède qui affirme, avec ses collègues nordiques, que la gratuité scolaire, du primaire à l’université, est l’un des piliers du modèle scandinave.

L’UQAM collabore particulièrement avec la Norvège, précise Daniel Chartier, qui voit d’un bon œil les visites du premier ministre Philippe Couillard en Islande. Le professeur en études littéraires affirme que les études réalisées conjointement avec les pays scandinaves ne s’arrêtent pas qu’aux enjeux politiques et économiques. «Il y a eu, par exemple, un colloque sur la télévision avec des réalisateurs danois qui ont discuté avec des réalisateurs québécois, illustre-t-il. On s’est rendu compte qu’ils partagent les mêmes problématiques liées au petit marché, à la présence de l’État, à la télévision publique et à la recherche d’une spécificité qui pourrait s’étendre.»

Daniel Chartier s’attend à ce que les relations entre le Québec et les pays scandinaves s’améliorent. «Mon hypothèse c’est que le Québec se découvre de nouvelles affinités vers le Nord, avance-t-il. À partir du moment où le Québec ne se considère plus uniquement nord-américain de langue française, mais aussi nordique, il cherche des comparatifs ailleurs.» Il souligne que la province s’est toujours intéressée au modèle scandinave, et qu’un observateur issu de la délégation québécoise à Londres est mandaté pour observer les politiques sociales, chose qui ne se fait nulle part ailleurs.

Photo : Sylvie-Ann Paré

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